Pierre Molinier, érotique à mort
Pour la troisième fois en vingt ans, le metteur en scène Bruno Geslin et le comédien Pierre Maillet reprennent leur spectacle Mes jambes, si vous saviez, quelle fumée… Un hommage réjouissant et profond au photographe Pierre Molinier, sulfureux et libre.
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© Jean-Louis Fernandez.
Bas et porte-jarretelles, masques, chaussures à hauts talons, godemichés et dentelles… L’équipement érotique que déploie Pierre Molinier (1900-1976) dans sa peinture, et surtout dans la photographie qu’il commence à explorer dans les années 1950, est sans doute l’une des choses qui, en 2003, poussent un jeune metteur en scène et trois comédiens – Bruno Geslin, Pierre Maillet, Élise Vigier et Jean-François Auguste – à consacrer à cet artiste singulier un spectacle, Mes jambes, si vous saviez, quelle fumée…
La manière dont Molinier fait usage de ses nombreux accessoires est très rituelle, très théâtrale. Ses autoportraits et portraits érotiques, où les membres se démultiplient et s’entremêlent jusqu’au vertige, sont à son époque souvent jugés scandaleux. Mais pas par tous. Les surréalistes, par exemple, adhèrent au point de faire collaborer le sulfureux à leur revue Le Surréalisme, et ce dès son premier numéro en 1956.
La place particulière de Molinier dans l’histoire de l’art, à son époque comme aujourd’hui, où il est reconnu comme précurseur en matière de photomontage et de body art, incite Bruno Geslin et ses acolytes à s’échapper des sentiers battus de la production théâtrale.
Alors qu’ils n’ont derrière eux qu’une poignée de créations, notamment au sein du collectif d’artistes Les Lucioles, né quelques années plus tôt, le metteur en scène et Pierre Maillet, qui a le rôle-titre, se font une promesse : ils joueront Mes jambes jusqu’à ce que le Pierre vivant atteigne l’âge du Pierre mort.
Le comédien a donc intérêt à entretenir ses guibolles jusqu’à 76 ans. Même si en découvrant la pièce dans sa version de 2023 au Théâtre de la Bastille, où elle fut présentée pour la première fois vingt ans plus tôt, on
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