Trois livres recommandables

Nos vies en flammes de David Joy, La dernière ville sur Terre de Thomas Mullen et Serpent & Dove de Shelby Mahurin : les conseils de lecture de la semaine de Sébastien Fontenelle.

Sébastien Fontenelle  • 1 mars 2023
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Trois livres recommandables
© Anastasia Zhenina / Unsplash.

Avec « son mètre quatre-vingt-quinze et ses presque cent trente kilos », Ray(mond) Mathis, héros nostalgique de Nos vies en flammes, est « un géant » solitaire. Ce veuf inconsolé coule dans sa ferme des Appalaches ravagés par de gigantesques incendies une retraite essentiellement silencieuse – où lui parviennent régulièrement d’accablantes nouvelles de Ricky, son fils toxicomane.

Quand un dealer menace de tuer le jeune homme si son père ne lui apporte pas 10 000 dollars, Ray, devenu décidément étranger à une Amérique dont il ne reconnaît rien, part en guerre contre un monde qui n’est plus le sien. Nos vies en flammes (1) est, en même temps qu’une ode bouleversante à des paix disparues, un implacable réquisitoire contre les obscurités d’un pays – les États-Unis – ravagé par les opioïdes, où « la notion de justice [est] une plaisanterie » : on ne manquera pas, sur ce sujet, de lire l’impitoyable postface de l’auteur, David Joy, écrivain magnifique.

1

Nos vies en flammes, David Joy, traduit de l’américain par Fabrice Pointeau, 10/18, 336 pages, 8,90 euros.

La dernière ville sur terre thomas mullen livre

Thomas Mullen, dont on a déjà évoqué dans cette chronique la prodigieuse série sur la ségrégation raciale (2), est un autre très grand romancier américain : dans La Dernière Ville sur Terre – son premier livre, paru aux États-Unis en 2006, et que les éditions Rivages viennent de traduire (3) –, il narre l’histoire de Commonwealth, ville imaginaire en forme d’utopie socialiste située dans l’État de Washington, sur laquelle va s’abattre, en un temps de feu, dans la dernière année de la Grande Guerre, cet autre fléau : la grippe espagnole.

2

Darktown, Temps noirs et Minuit à Atlanta, tous publiés chez Rivages.

Et avec elle la question, dont on devine qu’elle entre en complète résonance avec notre époque covidée, de la protection collective contre cette pandémie terrifiante : « Je n’aime pas l’idée qui consiste à m’empêcher d’aller et venir à ma guise », constate un personnage. Avant d’ajouter : « Mais j’aime encore moins celle que mes proches risquent de tomber malades. »

3

La Dernière Ville sur Terre, Thomas Mullen, traduit de l’américain par Pierre Bondil, Rivages, 432 pages, 22 euros.

Serpent & dove shelby mahurin livre

Pour finir, effectuons un détour par la fantasy, qui depuis quelques années s’est – enfin – largement féminisée. L’Américaine Shelby Mahurin est l’une des autrices qui renouvellent le genre : dans Serpent & Dove, premier tome d’une très prometteuse trilogie (4), elle raconte, avec une verve caustique tout à fait réjouissante où s’entendent les échos de bien des débats actuels, l’improbable rencontre, dans un monde imaginaire dont les chefs religieux tiennent que « les voies des femmes sont impies, et surtout celles des sorcières » (car « leur duplicité ne connaît pas de limites »), entre Lou, qui est l’une de ces sorcières, et Reid, qui est l’un des « chasseurs » fanatiques chargés par l’Église de les traquer et de les brûler. Un fier livre, où les cruautés politiques se mélangent d’une truculente drôlerie.

4

Serpent & Dove, Shelby Mahurin, traduit de l’américain par Axelle Demoulin et Nicolas Ancion, J’ai lu, 576 pages, 9,40 euros. Noter, chez le même éditeur, la réédition, sous une nouvelle livrée, du maître-cycle de Robin Hobb, haute figure féminine de la fantasy : L’Assassin royal.

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Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes
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