Une prime à l’école privée

Les fermetures de classes à la rentrée 2023 vont toucher les milieux défavorisés en priorité et favoriseront les établissements privés sous contrat, aggravant les inégalités scolaires et sociales.

Sabina Issehnane  • 15 mars 2023
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Une prime à l’école privée
© Taylor Flowe / Unsplash.

À la rentrée 2023, 1 117 postes d’enseignants seront supprimés. Plus de 180 fermetures de classes dans le premier degré sont annoncées pour Paris, qui toucheront davantage les quartiers les plus populaires.

Pourtant, les études montrent que la corrélation entre la taille des classes et la réussite scolaire est d’autant plus forte que l’établissement accueille davantage d’enfants socialement défavorisés, et plus particulièrement en élémentaire.

La baisse démographique aurait pu être une occasion d’améliorer la réussite scolaire des élèves, surtout lorsqu’ils sont socialement défavorisés. C’est un autre choix que fait le ministre de l’Éducation nationale, alors que la part des dépenses publiques consacrée à l’éducation est de 8,5 % en France, contre 10,6 % pour la moyenne des pays de l’OCDE (1).

La dépense par élève dans l’enseignement élémentaire est également inférieure à la moyenne de l’OCDE. À l’heure où le ministre Pap Ndiaye veut que les enseignants travaillent plus pour gagner un peu plus, il est utile de rappeler que les salaires annuels de ceux-ci dans l’élémentaire (avec quinze ans d’expérience) sont inférieurs de 19 % à la moyenne de l’OCDE, tandis que leur nombre moyen d’heures d’enseignement est plus élevé (2). 

2

Idem.

Ces fermetures de classes massives affectent moins les établissements privés sous contrat, qui, malgré leur statut, sont financés principalement par l’Éducation nationale et les collectivités locales, qui prennent en charge la rémunération des enseignants et les dépenses de fonctionnement, dont le montant est attribué de la même manière qu’au public, en fonction des effectifs.

La baisse démographique aurait pu être une occasion d’améliorer la réussite scolaire des élèves.

La publication des indices de position sociale (IPS), créés par le service statistique du ministère de l’Éducation nationale, a mis en évidence que le privé concentrait les élèves socialement favorisés et participait ainsi à la ségrégation sociale et scolaire entre établissements.

Plus est élevé l’IPS – qui associe à la catégorie socioprofessionnelle d’autres variables comme le niveau de diplôme de chaque parent, le capital et les pratiques culturelles ou encore les conditions matérielles d’étude des enfants (3) –, plus l’établissement concentre une forte proportion d’élèves socialement favorisés.

3

« Construction d’un indice de position sociale des élèves », Thierry Rocher, Éducation et formations, n° 90, avril 2016.

Le contournement de la carte scolaire, par une stratégie d’évitement, peut se faire par dérogation, mais aussi par l’inscription dans un établissement privé. En sous-dotant l’école publique au profit de l’école privée, on encourage la fuite vers cette dernière – financée par la dépense publique sans aucune contrepartie en matière de mixité sociale – et l’aggravation des inégalités sociales et scolaires.

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