« Journal d’une invasion » : les cerveaux et les cœurs de la résistance
Dans une succession de récits intimes, le romancier ukrainien d’origine russe Andreï Kourkov raconte toutes ces vies ukrainiennes qui ont basculé après l’agression de la Russie.
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© Daniel LEAL / AFP.
Le récit commence par les fêtes de fin d’année durant la période Omicron, à la fin de la crise du covid, où les restaurants de Kyiv sont quand même remplis. S’ensuivent les vœux du président Volodymyr Zelensky, qui n’évoque pas l’armée russe massée aux frontières du pays, les vents violents de janvier engendrant d’importantes coupures de courant et cet affrontement politique entre le président actuel et son prédécesseur, Petro Porochenko, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt pour « haute trahison » le 6 janvier 2022.
La guerre n’est pas encore là, mais c’est tout comme. Le pays voit progressivement arriver ce qu’il redoute. Une rumeur d’attaques de hackers possiblement russes visant des sites gouvernementaux, des manifestations de membres d’une organisation patriotique et de vétérans de la guerre du Donbass… Les signes se multiplient. Et le sujet hante toutes les conversations. Au détour d’un paragraphe, Andreï Kourkov retranscrit cet échange avec l’un de ses amis qui habite à Kharkiv :
« Qu’en penses-tu, m’a-t-il demandé, ça va être la guerre ?
– J’espère que non, ai-je répondu.
– Moi, je pense que si, a-t-il dit avec tristesse. Mais ils n’entreront pas dans Kharkiv. Ils n’attaqueront pas la ville. »
Journal d’une invasion commence de cette façon. Dès décembre 2021, le romancier prend des notes détaillées de ce qu’il voit et compile sur son ordinateur ses nombreuses observations sur la société ukrainienne et ses pratiques culturelles, sur l’actualité internationale ou sur la banalisation de la violence à laquelle l’Ukraine est malheureusement confrontée, puisque le Donbass est déchiré par les combats depuis 2014. De façon subtile, Kourkov raconte ce sentiment double, l’habituation à un conflit qui dure depuis l’annexion de la Crimée, au lendemain de la révolution de Maïdan, et la peur d’être bombardé à n’importe quel moment.
Andreï Kurkov. (Photo : Elena Terjovana.)L’écrivain d’origine russe construit ainsi un recueil éclectique lui permettant de ne laisser de côté aucune de ses réflexions liées à cette guerre. Il fait notamment le portrait de Volodymyr Zelensky en auteur de best-sellers, puisque ses très nombreux discours sont suivis, publiés en librairie et épuisés en quelques jours.
Il se questionne aussi sur l’avenir des animaux : comment ont été déplacés les dauphins entraînés pour accompagner les enfants atteints de troubles de l’apprentissage de Kharkiv à Odessa ? Et que restera-t-il de ces deux
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