En Tunisie, l’oasis où la révolution fait datte

À Jemna, aux portes du Sahara, sur les terres de leurs ancêtres spoliées par les colons français puis par l’État tunisien, les habitants ont repris la main sur la production de 13 000 palmiers dattiers. Depuis les événements de 2011, ils la gèrent collectivement.

Brice Andlauer  et  Omar Ben Amor  • 24 mai 2023 abonné·es
En Tunisie, l’oasis où la révolution fait datte
Depuis 2011, un vide juridique règne sur le statut de l’oasis de Jemna.
© Brice Andlauer.

Il fait encore doux en cette matinée de mars au milieu des palmiers. Quelques rayons de soleil passent à travers les branches ondulant à une dizaine de mètres de hauteur, l’écoulement des tuyaux d’irrigation installe une ambiance apaisante dans l’air cristallin. Dans quelques mois, les températures avoisineront les 50 °C, il sera quasi impossible de sortir à cette heure de la journée.

Nous sommes aux portes du Sahara, dans la parcelle El Mâamer (« le colon » en arabe) de l’oasis de Jemna. Sur ces 185 hectares, les premiers palmiers ont été plantés il y a tout juste un siècle par les colons français. Les plus récents ont une dizaine d’années, l’âge de la révolution tunisienne.

Une dizaine d’ouvriers s’activent à ramasser des branches mortes, les empilent et les brûlent en petits tas réguliers. « On fait ça chaque année avant la pollinisation du printemps, pour nettoyer la terre et faciliter l’irrigation », explique Brahim El Hachani, salarié de l’association de préservation des oasis de Jemna depuis sept ans.

La récolte est finie depuis quelques mois déjà, mais lui travaille ici toute l’année, comme les 162 ouvriers embauchés au salaire mensuel de 540 dinars (160 euros) – sans compter la centaine de saisonniers employés ici dix mois sur douze. « Ce n’est pas beaucoup, c’est presque le smic. Mais au moins c’est un travail. Avant d’être embauché ici, j’ai été au chômage pendant quatorze ans. Et avant la révolution, il y avait seulement quinze ouvriers à la palmeraie », raconte-t-il avec un pragmatisme résigné.

L’homme ne considère pas sa situation particulièrement meilleure aujourd’hui, à cause de l’inflation (3,3 % en un an) qui rend la vie quotidienne extrêmement difficile. Mais il confesse que le travail dans la palmeraie le stabilise. « Je participe régulièrement à des réunions publiques, tous les ouvriers sont impliqués dans les décisions concernant la gestion de l’association, c’est très

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Monde
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