« Showing Up » : work in progress

Kelly Reichardt met en scène avec humour le quotidien laborieux d’une artiste.

Christophe Kantcheff  • 2 mai 2023 abonné·es
« Showing Up » : work in progress
Les petites et grandes vicissitudes de l’existence n’ont aucun secret pour Lizzy.
© Diaphana distribution.

Showing Up, Kelly Reichardt, 1 h 48.

Kelly Reichardt était pour la première fois en compétition à Cannes l’an dernier alors que Showing Up est son huitième long-métrage (la deuxième fois seulement en sélection officielle) et que son œuvre est depuis longtemps partout ailleurs reconnue. Mieux vaut tard que jamais. Kelly Reichardt ne dévie pas de son parcours farouchement indépendant pour autant, produisant une œuvre au talent sans concession qui se diversifie, à l’image de ce qui différencie First Cow, son avant-dernier film, et celui-ci.

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Showing Up s’apparente à ces œuvres où un·e artiste fait le point sur sa pratique. Kelly Reichardt s’y livre de manière métaphorique, et avec beaucoup d’humour, à travers le personnage de Lizzy. Michelle Williams, qui l’incarne, a le physique d’une femme qu’on imagine mal torturée par les tourments de la création (et pourtant !), prise entre les caprices de son chat et la chaudière en panne.

Elle travaille dans l’école d’art où elle-même a étudié, sous la direction de sa propre mère. Son frère est dépressif, son père se laisse envahir chez lui par des sans-gêne. Qui plus est, sa voisine Jo, qui est aussi sa propriétaire, artiste comme elle, lui donne en pension un pigeon blessé quand elle-même ne peut s’en occuper. Bref, les petites et grandes vicissitudes de l’existence n’ont aucun secret pour Lizzy.

Showing Up, Kelly Reichardt

Pour autant, Lizzy est une véritable artiste, qui travaille d’arrache-pied, avec l’angoisse chevillée au corps, en vue de sa prochaine exposition. Pour que les œuvres qu’elle produit soient crédibles, Kelly Reichardt a fait appel à Cynthia Lahti, sculptrice, et à ses très expressives statuettes de femmes.

Sublimation du quotidien

Ce que Kelly Reichardt signifie là, mezza vocce, c’est que l’art est loin d’être une activité hors sol, détachée des contingences, comme le voudrait une vision tenace, publicitaire, héritée du romantisme.

Aux yeux de la cinéaste états-unienne, l’inspiration, si tant est qu’elle existe, est profondément matérialiste, ancrée dans le prosaïsme. Pas de sacralisation de l’art ni d’héroïsation de celles et ceux qui s’y adonnent. Le travail – qui peut en partie s’apprendre, d’où la présence d’une école d’art dans Showing Up – est premier, d’où les contrariétés de Lizzy quand elle perd du temps à autre chose.

Ce qui n’empêche pas la sublimation du quotidien, sa formalisation intime et singulière, qui, après beaucoup d’efforts et de doutes, peuvent déboucher sur une œuvre. L’œuvre magistrale de Kelly Reichardt, par exemple.

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Cinéma
Temps de lecture : 3 minutes