Le journaliste Rémy Buisine frappé par un policier non formé au maintien de l’ordre

INFO POLITIS. Après plusieurs coups reçus lors de la manifestation du 1er mai, le journaliste Rémy Buisine a porté plainte contre deux agents des forces de l’ordre. Politis a retrouvé l’un d’entre eux : il était censé être seulement là pour filmer.

Maxime Sirvins  • 9 mai 2023
Partager :
Le journaliste Rémy Buisine frappé par un policier non formé au maintien de l’ordre
La 12CI, avec l'agent tenant une perche pour filmer et ayant frappé Rémy Buisine, lors de la manifestation du 1er mai à Paris.
© Maxime Sirvins.

Lors de la manifestation parisienne du 1er mai dernier, le journaliste Rémy Buisine du média Brut est frappé violemment à la tête et à l’épaule par un coup de matraque alors qu’il est au sol. Heureusement protégé par son casque, le journaliste a rapidement porté plainte pour « violences volontaires aggravées par personne dépositaire de l’autorité publique ».

Ce 9 mai 2023, plus de 30 SDJ (sociétés des journalistes), dont celles de Mediapart, France TV et même BFMTV, ont apporté leur soutien au journaliste dans un communiqué. « Les violences des forces de l’ordre sont inadmissibles dans un État de droit, où la liberté de la presse et la liberté d’informer ne doivent en aucun cas être entravées. Aucun·e journaliste dans l’exercice de son métier ne doit faire face à de telles pratiques. »

Lors de la manifestation, alors que Rémy Buisine est au sol après avoir reçu un coup de bouclier, deux vidéos diffusées par le journaliste montrent bien les coups reçus, quand bien même il porte un brassard presse et ne représente aucune menace pour les agents.

La compagnie en question est la 12CI, une des 6 compagnies d’interventions de Paris de jour, dont Politis vous brossait le portrait récemment après de nombreux actes violents. Alors que les policiers de cette compagnie sont reconnaissables à leurs dossards bleu-vert, l’agent qui frappe le journaliste n’en porte pas. En recoupant les photos prises lors de la manifestation et les vidéos publiées par Rémy Buisine, Politis a pu retrouver l’agent en question. Et ce policier ne fait pas partie de la 12CI.

Un agent présent pour filmer…

Ce jour-là, au sein de la 12ᵉ compagnie d’intervention, un seul agent porte un casque brillant et non mat comme ses autres collègues, car ce policier n’est tout simplement pas membre de la compagnie. Tout le long de la manifestation, il n’a pas pour objectif de participer au maintien de l’ordre mais de filmer.

Équipé d’une longue perche et d’une caméra à 360°, le policier en question a pour unique objectif de transmettre des images. Pourtant, au moment des faits, pas de perche, ni de caméra, mais uniquement une matraque. Grâce à différentes images, on peut voir que la perche n’a pas disparu, mais qu’il a décidé de la ranger dans la protection, sur la jambe gauche. De spectateur du maintien de l’ordre, l’agent en devient alors un acteur.

De gauche à droite : L’agent tenant la perche, l’agent frappant Rémy Buisine , le même policier ayant rangé la perche dans la protection de sa jambe gauche. (Photo : Maxime Sirvins, et capture d’écran de la vidéo postée sur Twitter par Rémy Buisine.)


… et non formé au maintien de l’ordre

Le policier violent viendrait en réalité d’un service complètement différent : le SDPIGTAP. Ce service – la sous-direction de la protection des institutions, des gardes et des transferts de l’agglomération parisienne –, est avant tout chargé de la protection du siège des institutions de la République, des représentations diplomatiques et de la résidence de certaines personnalités.

Sur le même sujet : Coups de poing et matraques : une compagnie parisienne en roue libre

Régulièrement sollicités sur les grosses manifestations en soutien pour, par exemple, conduire les personnes interpellées vers les commissariats, ils ne sont pas formés au maintien de l’ordre, contrairement aux compagnies d’intervention. Pourtant, ce jour-là, l’agent non formé, qui avait comme rôle de filmer la manifestation, a directement participé au maintien de l’ordre et a violemment frappé Rémy Buisine.

La préfecture de police de Paris aurait-elle délibérément envoyé des agents non formés au maintien de l’ordre dans la manifestation traditionnelle du 1er mai, dont on connaissait à l’avance le niveau de tension ? La question de sa responsabilité est posée. Les services de la préfecture sollicités par Politis n’ont pas donné suite à nos questions.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Police / Justice
Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don !

Envie de soutenir le journal autrement qu’en vous abonnant ? Faites un don et déduisez-le de vos impôts ! Même quelques euros font la différence. Chaque soutien à la presse indépendante a du sens.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Six policiers violents en roue libre au tribunal
Police 31 mai 2023

Six policiers violents en roue libre au tribunal

Six policiers de la BTC de Pantin sont accusés d’extrême violence exercée principalement à l’encontre des jeunes de cette commune de Seine-Saint-Denis. Ils comparaissent devant le tribunal correctionnel de Bobigny du 31 mai au 2 juin. Politis s’est procuré des éléments inédits de cette enquête, relatant la déviance d’une brigade pour assouvir la soif du chiffre de sa hiérarchie.
Par Nadia Sweeny
Blocage de l’AG de Total : deux militantes déposent plainte pour violence policière
Répression 30 mai 2023

Blocage de l’AG de Total : deux militantes déposent plainte pour violence policière

Suite à la répression policière du blocage de l’assemblée générale de Total vendredi 26 mai, deux militantes d’Alternatiba Paris ont saisi l’IGPN ce lundi. L’avocate des cinq gardés à vue après l’action dénonce également la répression judiciaire des activistes.
Par Rose-Amélie Bécel
À Dijon, des amendes pour casserolades qui interrogent et inquiètent
Répression 30 mai 2023

À Dijon, des amendes pour casserolades qui interrogent et inquiètent

Une trentaine de personnes ont reçu des amendes et courriers suite à des casserolades à Dijon, interdites par la préfecture. Problème : quasiment aucune n’a été verbalisée ni même contrôlée lors de ces rassemblements, ce qui questionne les méthodes policières d’identification.
Par Nadia Sweeny
« Il n’y a pas le droit d’un côté et la société de l’autre »
Entretien 25 mai 2023

« Il n’y a pas le droit d’un côté et la société de l’autre »

Entretien avec Liora Israël, directrice d’études de l’EHESS, sur la question de la lutte par le droit contre les mesures liberticides.
Par Nadia Sweeny