L’inquiétante lepénisation de LR

Le triumvirat de pieds-nickelés des Républicains – Éric Ciotti, Bruno Retailleau et Olivier Marleix – a dévoilé son projet pour « reprendre le contrôle de l’immigration ». Un plagiat du RN qui ne peut profiter qu’à ce dernier, comme toujours.

Michel Soudais  • 23 mai 2023
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L’inquiétante lepénisation de LR
Éric Ciotti (LR) et Jordan Bardella (RN) lors du débat télévisé "L'événement" en février 2023, sur la réforme des retraites.
© Emmanuel DUNAND / AFP.

Reprendre le programme et les mots du Front national pour assécher son vivier électoral… L’idée n’est pas nouvelle. Elle a longtemps eu des adeptes au sein du Rassemblement pour la république (RPR). Nicolas Sarkozy l’avait mise en œuvre pour conquérir l’Élysée en 2007 avec un succès aussi temporaire que relatif. Cette vieille recette peu ragoûtante vient d’être ressortie du grimoire de la droite.

Les principaux dirigeants du parti Les Républicains (LR) – Éric Ciotti, son président, flanqué pour l’occasion des présidents de ses groupes parlementaires à l’Assemblée nationale et au Sénat, Olivier Marleix et Bruno Retailleau – ont tapageusement dévoilé, dans Le Journal du dimanche (21 mai), leur projet pour « reprendre le contrôle » de l’immigration.

Le gouvernement tarde à présenter une énième loi sur l’immigration – la 22e en vingt ans ! – annoncée depuis près d’un an. Il hésite sur les mesures à coucher dans ce texte pour réunir, avec le soutien des parlementaires LR, une majorité à l’Assemblée. La droite LR a décidé, à l’unanimité de ses instances, de lui proposer deux textes. Assortis d’un petit chantage : ce plan est à prendre ou à laisser.

En préalable, expose Éric Ciotti, « il faut d’abord modifier la Constitution afin de restaurer notre souveraineté en matière migratoire » et ceci afin de redonner « au législateur les moyens d’agir ». C’est au mot près ce que Marine Le Pen se proposait de faire dans ses programmes présidentiels de 2017 et 2022, dans l’optique affichée d’« élargir le champ d’application de [son] article 11 ».

Cette légitimation du RN ne peut que lui profiter à terme, comme cela s’est toujours vérifié dans le passé.

Un objectif repris par Bruno Retailleau qui, à l’instar de la cheffe de l’extrême droite, veut ainsi « permettre la tenue d’un référendum sur la politique migratoire ». Le patron des sénateurs LR, qui a commencé son parcours politique auprès de Philippe de Villiers, veut aussi « inscrire dans la Constitution la possibilité de déroger à la primauté des traités et du droit européen ». Y « affirmer le refus des communautarismes » et « élever au rang constitutionnel le principe d’assimilation ». Toutes choses visées déjà par Marine Le Pen.

Le plagiat ne s’arrête pas là. C’est le cas quand ce triumvirat de pieds nickelés veut « couper les pompes aspirantes », remplacer l’aide médicale d’État (AME) par « une aide médicale “d’urgence” moins généreuse », et n’ouvrir l’« accès à la protection sociale et aux allocations qu’après cinq ans de résidence stable ».

Sur le même sujet : Chez les Républicains, le spectre de la disparition

Ou bien encore rétablir « le délit pour séjour clandestin », « la double peine » – qui n’a jamais été supprimée, contrairement à ce que prétend le RN –, imposer un test osseux aux mineurs non accompagnés, durcir les conditions du regroupement familial ou assumer « un bras de fer avec les pays qui n’acceptent pas de donner des laissez-passer consulaires pour récupérer leurs ressortissants ». Et même « réformer nos procédures d’asile » pour que celles-ci soient « instruites dans nos représentations […] à l’étranger ». « Ils peuvent prendre leur carte au Rassemblement national », ironise Jordan Bardella, qui juge le « copier-coller presque parfait » (France Info, 23 mai).

Le parti de Marine Le Pen peut être satisfait. Il y a à peine un an, Les Républicains jugeaient « pas crédibles et démagogiques » des propositions qu’ils réputent désormais « sérieuses, juridiquement étayées, applicables ». Cette légitimation ne peut que lui profiter à terme, comme cela s’est toujours vérifié dans le passé. Et il y a fort à parier qu’au moment de mettre un bulletin dans l’urne, les électeurs préféreront l’original à la copie.

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