Réformes : la double peine des saisonniers

Le 26 avril, Élisabeth Borne proposait de mettre sur pied un « agenda social pour un nouveau pacte de la vie au travail ». Pour celles et ceux qui vont pâtir des nouvelles dispositions de la retraite et de l’assurance-chômage, c’est une étape de plus de la précarisation. Exemple dans les Hautes-Pyrénées. 

Marie-Pierre Vieu-Martin  • 10 mai 2023 abonné·es
Réformes : la double peine des saisonniers
© Maeva Destombes / Hans Lucas /AFP.

La ville mariale se relève lentement après trois années de pandémie. Sous un soleil d’avril, Lourdes a débuté sa métamorphose de commune du piémont pyrénéen en un centre de pèlerinage et de tourisme de 12 000 chambres, plus de 40 000 lits, auxquels s’ajoutent restaurants, transports et activités de loisirs.

Pour faire tourner la machine, il est question de 3 500 embauches. « Mais, à Lourdes, le CDI n’existe pas. Il n’y a que des intermittents du travail », témoigne Ahmad Gaspari. Ce réfugié politique iranien, arrivé en France en 1983, connaît par cœur les conditions de travail et la précarité. Après avoir tourné dans des grands restaurants à Paris, il a choisi de s’installer dans les Pyrénées et fait la saison depuis 2011.

En 2020, Ahmad a été l’un des animateurs de la lutte des saisonniers à Lourdes. En plein cœur de l’épidémie du covid, ceux-ci s’étaient retrouvés sans contrat de travail signé, suspendus à des promesses verbales rendues caduques par le virus et, pour la plupart, avec des droits au chômage en voie d’épuisement.

À Lourdes, le CDI n’existe pas. Il n’y a que des intermittents du travail.

Une mobilisation exceptionnelle s’est ensuivie, conduisant la mairie et la préfecture à installer une « maison des saisonniers » pour les soutenir dans leurs démarches. Mais pas de quoi satisfaire Ahmad, qui a alors décidé de rejoindre le Collectif des précaires et privés d’emplois CGT : « On ne réglera pas la situation au cas par cas », plaide-t-il.

La précarité fait partie intégrante de l’écosystème local lourdais et de la vie en montagne. « Même l’agence Pôle emploi est obligée d’aménager les horaires selon les saisons », témoigne Christophe Blanchard, agent dédié à l’accompagnement des chômeurs et responsable départemental Solidaires. « On doit répondre à des personnes qui ont une pluri­activité et dont le projet de vie, par défaut ou non, a pris le pas sur le projet professionnel », poursuit-il.

« On se fait souvent une fausse représentation du saisonnier », confirme Nicolas Roux, sociologue et maître de conférences à l’université de Reims Champagne-Ardenne. Pour l’universitaire, la précarité ne peut être réduite à un déclassement social issu d’une rupture dans le travail, mais renvoie à une condition d’insécurité

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