Tentatives de suicide, burn-out, stress et fatigue : alerte rouge à la Cnav

À l’aide de documents exclusifs, Politis retrace une situation très alarmante dans la branche retraite de la Sécurité sociale. Les salariés, en sous-effectif, sont à bout et les assurés pâtissent gravement de ces dysfonctionnements.

Pierre Jequier-Zalc  • 17 mai 2023 libéré
Tentatives de suicide, burn-out, stress et fatigue : alerte rouge à la Cnav
Les ambitions pour 2022 étaient claires : une diminution de 10 % des coûts de gestion et une hausse de 8 % de la productivité.
© VOISIN / Phanie / Phanie via AFP.

Le 25 novembre 2021, dans le 19e arrondissement parisien. Au sixième étage des bureaux de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), la tête de réseau de l’Assurance retraite, en charge de la gestion des pensions en Île-de-France, une salariée tente de se suicider en se défenestrant. Elle est retenue de justesse par deux de ses collègues.

Quelques mois plus tôt, un autre agent de l’organisme avait essayé de mettre fin à ses jours, chez lui. «Les raisons professionnelles et personnelles se mélangent toujours dans ce genre de cas, mais l’employeur a profité du fait que la personne a fait ça chez elle pour fermer les yeux », accuse Grégory Thomas, représentant syndical de la CFTC à la Cnav Île-de-France. Après la seconde tentative de suicide dans les locaux même de la Cnav, impossible, cette fois, de mettre la poussière sous le tapis. Lors d’un comité social et ­économique (CSE) ­extraordinaire, les représentants du personnel exigent la réalisation d’une expertise indépendante « pour risque grave ».

Six mois plus tard, celle-ci, réalisée par le cabinet Explicite, est présentée en CSE. Et les conclusions, dont Politis a pu prendre connaissance en exclusivité, sont sans appel. « Les éléments recueillis lors de nos travaux font ressortir un état de santé psychique et physique fortement dégradé chez les agents de la Cnav. Lors des entretiens menés, nous avons remarqué une fatigue assez généralisée chez les agents, voire parfois un épuisement. Cette situation, si elle perdurait, pourrait constituer un risque majeur pour la santé des salariés de la Cnav pouvant conduire à des situations extrêmes. »

Comment a-t-on pu en arriver là ? Une bonne partie de la réponse figure en lettres rouges à la fin du rapport d’expertise, lorsque, après le constat, des recommandations sont déclinées. « L’ensemble des recommandations suivantes ne peuvent trouver leur plein effet qu’à la condition sine qua non que les effectifs de la Cnav augmentent substantiellement, rapidement et de manière pérenne. » Et pour cause : d’année en année, le nombre de salariés diminue.

Cette situation pourrait constituer un risque majeur pour la santé des salariés de la Cnav.

« L’effectif de la Cnav connaît une baisse progressive depuis 2017, avec un taux de décroissance moyen annuel de 7,5 % », peut-on lire dans un autre rapport d’un second cabinet d’expertise, daté du printemps 2021. « La situation des services publics est la même partout. Depuis la fin des années 1990, on a tous connu des objectifs de réduction d’effectifs », se défend Jérôme Friteau, directeur des relations humaines et de la transformation de la Cnav, auprès de Politis.

Tous les cinq ans, une convention d’objectifs et de gestion (COG) est signée entre l’État et l’Assurance retraite. Comme son nom l’indique, elle prévoit des objectifs et les moyens accordés par l’État pour les atteindre. Lors de la dernière COG, signée en 2017, les ambitions étaient claires pour 2022 : une diminution de 10 % des coûts de gestion. Et une hausse de 8 % de la productivité. Une équation qui pousse à bout les personnels. « Notre charge de travail augmente, avec des changements réglementaires réguliers et des effectifs qui diminuent. C’est intenable », raconte Julien*, référent technique à la Cnav dans une agence en Île-de-France.

Une anecdote témoigne particulièrement de cette souffrance liée au manque d’effectifs. Le 18 avril 2023, alors que la réforme des retraites vient d’être promulguée, le directeur général de la Cnav, Renaud Villard, organise un webinaire sur sa mise en place. 1 300 collaborateurs de l’organisme y participent. Politis a pu y avoir accès.

En préambule, Renaud Villard explique qu’un tchat est à disposition pour poser des questions et qu’un système de « J’aime » sur les questions lui permettra de prioriser celles auxquelles il répondra. Vite, les principales interrogations se tournent vers les moyens alloués. « Êtes-vous conscient de la fatigue des équipes ? […] Comment comptez-vous mobiliser les salariés dans les prochains mois et surtout valoriser l’effort conséquent qui va à nouveau leur être demandé ? » écrit l’agent ayant eu la question la plus « aimée ».

Face à ses équipes, le directeur général assure que de nombreux recrutements ont été opérés en 2022. Ce que tient aussi à rappeler Jérôme Friteau. « On a réalisé 2 439 recrutements dont plus de 1 000 en CDI en 2022. C’est un plan massif. On a entendu les discours sur la ­difficulté du moment. » Des arrivées pérennes qui ne comblent pas intégralement la perte d’effectifs de ces dernières années. Une nouvelle convention d’objectifs et de gestion pour la période 2023-2027 est actuellement en négociation. Selon les dernières informations, aucune hausse des effectifs ne serait à l’ordre du jour.

Surcroît d’activité, CDD non formés

Aussi, depuis quelques mois, la direction n’hésite plus à recourir à l’embauche de CDD pour pallier ces besoins. Pour les agents interrogés, cette pratique n’est ni satisfaisante ni pérenne. « On fait un métier d’expertise qui demande de la formation. Leurs contrats se terminent au bout de cinq mois et demi, pile quand ils deviennent opérationnels. C’est du gâchis », souffle François Belloir, délégué syndical CFDT de la Carsat (déclinaison locale de la Cnav hors Île-de-France) en Bretagne.

« La direction parle de nouveaux CDI à foison, mais, dans mon agence, je n’en vois aucun. Que des CDD non formés qui nous prennent un temps monstre à former », assène Nora, technicienne retraite dans la région francilienne. Car ces contrats durent rarement plus de six mois, une clause dans la convention collective obligeant à les titulariser au-delà. Un constat également opéré par l’expertise.

« Certaines équipes font face à un surcroît d’activité qui n’est pas compensé par des effectifs opérationnels (non-remplacement des départs en retraite, CDD) : leur charge est alourdie par la quantité de travail supplémentaire et/ou la formation des nouveaux arrivants. Des agences accumulent un retard de douze à quatorze mois dans le traitement des dossiers », s’inquiètent les auteurs.

Des agences accumulent un retard de douze à quatorze mois dans le traitement des dossiers .

Mais le problème de la réduction des effectifs n’est pas l’unique facteur de l’état dans lequel se trouve l’Assurance retraite aujourd’hui. En effet, cette réduction s’est accompagnée d’une demande toujours plus soutenue de productivité. « Aujourd’hui, la seule chose qu’on nous demande, le seul critère sur lequel on est jugé, c’est la liquidation des dossiers, c’est-à-dire le fait de valider un dossier retraite pour que l’assuré soit payé. Peu importe la manière, il faut en faire au maximum », assure Guillaume, technicien retraite en Île-de-France.

Ainsi, les agents doivent de plus en plus recourir à des « liquidations provisoires », faute de temps pour valider les dossiers. Un procédé qui se massifie depuis la crise sanitaire. Les assurés sont donc payés approximativement, leur dossier n’étant pas parfaitement étudié. Les agents, eux, sont obligés d’étudier ensuite une seconde fois ces mêmes dossiers pour les régulariser. Une nouvelle perte de temps. « À la Cnav, notre devise, c’est “payer les assurés à bon droit et au bon moment”. Désormais, la direction ne se soucie plus que du moment », regrette Grégory Thomas.

Cette course aux objectifs quantitatifs, au mépris de la qualité, revient dans toutes les bouches et transpire du rapport d’expertise. Comme cet exemple donné sur les agents de la plateforme téléphonique qui répondent aux appels au 3960, le numéro unique pour contacter l’Assurance retraite.

« La plate-forme téléphonique constitue la seule entrée directe par téléphone sur les dossiers retraite depuis la suppression de l’accueil téléphonique des agences locales. Les agents reçoivent des appels complexes et sont confrontés à la détresse et aux exigences des assurés. Cependant, la vigilance sur les compteurs d’appels entrants est constante ; s’y ajoutent l’analyse des statistiques hebdomadaires et l’affichage des résultats collectifs. Parfois, certains appels dépassent largement la durée moyenne estimée à 4 min 20 s, allant parfois jusqu’à 18 minutes. Dans ce cas, l’agent peut recevoir, en parallèle de son appel, un message du manager lui rappelant le temps écoulé », décrit le rapport.

« On a des discussions en ce moment pour éviter que tout tourne autour de la politique du chiffre », souligne Jérôme Friteau, qui concède tout de même que « l’État, dans la délégation de service public qu’il nous fait, a un certain nombre d’attentes en matière de qualité de service. Le taux d’appels décrochés, par exemple, en fait partie ».

Ces pratiques impactent la santé psychique des salariés, fortement attachés à la notion de service public. « On n’est pas des machines. On rend une mission de service public pour des millions d’assurés. Le minimum, c’est de les écouter et de prendre en charge leur problème dignement », confie une technicienne qui préfère rester anonyme. Lors de l’expertise réalisée, 59 % des quelque 4 000 collaborateurs de la Cnav ont répondu à un questionnaire. Parmi eux, 55 % estiment que leur travail dégrade leur santé.

Des outils inadaptés

À ces problématiques structurelles s’en est ajoutée une autre, qui aurait dû rester conjoncturelle : la mise en place de deux nouveaux outils informatiques, vendus comme « révolutionnaires » pour le travail des agents. Le premier s’appelle RGCU pour « répertoire de gestion des carrières unique ». Voté lors de la réforme des retraites de 2010, il doit, à terme, rassembler l’ensemble des données de carrière de l’intégralité des régimes.

Le second se nomme Syrca et devait simplifier le traitement et le paiement des dossiers avec plus d’efficacité que les anciens outils. Sauf que cela fait bientôt deux ans que leur mise en place a commencé et qu’ils restent largement inexploitables. « Nous ne sommes pas dans un accident industriel, l’Assurance retraite fonctionne et les stocks diminuent », balaie Jérôme Friteau.

Aujourd’hui, personne n’est capable de dire quand ces instruments fonctionneront enfin normalement. Malgré cela, la direction générale de la Cnav a imposé au pas de course le déploiement de Syrca, au mépris des nombreuses alertes lui ayant été faites sur le sujet. Ainsi l’outil a, dans un premier temps, été testé dans certaines Carsat. Les retours opérés n’ont pas été bons. Peu importe pour la direction, qui a décidé de le généraliser dès la fin 2021.

« On a décalé d’au moins six mois le calendrier de la mise en œuvre en Île-de-France », assure Jérôme Friteau. Inquiets, les représentants du personnel avaient demandé au printemps 2021 une expertise sur les conséquences du déploiement de ces outils sur les agents. Et ses conclusions, auxquelles Politis a pu avoir accès, sont, a posteriori, éclairantes.

« Les résultats indiquent que 14 % des répondants sont en situation de burn-out élevé et très élevé sans distinction de genre ou de catégorie professionnelle. Il conviendra donc d’être vigilant à ce que la mise en œuvre de Syrca n’affecte pas les conditions de travail. D’autant plus que 43 % des répondants affirment que leurs conditions de travail se sont dégradées depuis trois ans. Il s’agit que le projet n’aggrave pas davantage ce sentiment. »

43 % des répondants affirment que leurs conditions de travail se sont dégradées depuis trois ans.

Malgré ces alertes, tous nos interlocuteurs s’accordent à dire que la mise en place du RGCU et de Syrca a bien aggravé la situation déjà difficile des salariés. « On nous a vendu un outil extraordinaire, révolutionnaire. On a vu nos caisses se vider de leurs employés pour des prétendus gains de gestion. Puis on a reçu des outils avec lesquels on mettait trois fois plus de temps pour liquider un dossier. C’est ça, la réalité », souffle, fatiguée, Hélène Bouhouf, déléguée syndicale CFDT à la Carsat Pays de la Loire. Un constat que même le directeur général de la Cnav, Renaud Villard, a été obligé de reconnaître face à ses équipes.

« Je ne mésestime pas une forme de fatigue liée au déploiement de Syrca qui n’en finit pas et je vois bien comment les équipes peuvent être déconcertées », note-t-il dans le webinaire cité précédemment. Surtout, un an et demi après son déploiement à marche forcée, les avancées opérées sont minimes. « On en est à la cinquième version et il y a toujours de nombreux dysfonctionnements qui ralentissent le traitement des dossiers et qui mettent les salariés en souffrance », glisse François Belloir.

Malgré ces mots, ce qui ressort des nombreux éléments que nous avons pu consulter, c’est le déni de la direction face à ce burn-out de nombreux salariés. Ainsi, lors de la présentation en CSE extraordinaire du rapport d’expertise, le directeur général n’était pas présent. Le représentant de la direction, Jérôme Friteau, n’a pas hésité, de son côté, à remettre en question ses conclusions.

« J’ai cette conviction très forte que l’alerte n’est pas générale. […] Est-ce que ce constat doit être globalisé, généralisé, dans un constat d’alerte globale ? Je ne remets pas en cause le travail des experts, mais on va dire que, évidemment, dans l’action, j’aurai besoin de ­travailler de manière plus séquencée, si on veut faire du travail un peu chirurgical [sic] », explique-t-il lors de cette présentation, comme l’indique le procès-verbal du CSE.

« Un rapport d’expertise diligenté par le CSE donne la vision la plus négative possible, souligne-t-il à Politis. Au sein de la branche retraite on mène régulièrement un baromètre social digital, avec un questionnaire anonyme qui permet de prendre le pouls de nos équipes. » Selon lui, lors du dernier baromètre, en décembre 2022, environ un tiers des collaborateurs ressentaient une fatigue de manière significative. « Ce chiffre montre bien qu’il y a des nuances. »

Des risques psychosociaux alarmants

Cette politique de l’autruche ne s’arrête pas là. Dans plusieurs Carsat, des demandes d’expertises similaires pour « risques graves » ont été demandées – et votées par les CSE. Ainsi, dans la Carsat Midi-Pyrénées, un cabinet d’expertise a été missionné fin 2022 par les représentants du personnel à la suite d’un courrier du médecin du travail et d’un autre de l’inspection du travail à la direction.

Dans le premier, le praticien écrit : « En tant que médecin spécialiste en santé au travail, je vous confirme être très inquiet par l’apparition de pathologies en relation avec des risques psychosociaux au sein de votre entreprise. […] Mes observations cliniques au cours des entretiens individuels, et autres éléments concordants, m’incitent à vous alerter. » L’inspection du travail va encore plus loin, affirmant que « la problématique touche tous les services » et que « la situation est alarmante car votre direction semble être dans le déni face à l’existence de risques psychosociaux ».

Nous pensons être dans une forme de “harcèlement moral institutionnel”, proche de ce qui a été observé dans le procès France Télécom.

De quoi s’inquiéter ? Pas pour la direction, qui a décidé d’attaquer en justice la demande d’expertise pour réduire son périmètre d’action, sa durée et, donc, son coût. Pis, dans ses conclusions rendues au tribunal, la Carsat Midi-Pyrénées « conteste tout risque grave et, a fortiori, tout risque grave dans les services autres que celui du processus retraite ». Elle a été déboutée de toutes ses demandes et l’expertise est en cours. « Nous pensons être dans une forme de “harcèlement moral institutionnel”, proche de ce qui a été observé dans le procès France Télécom, moins aigu pour l’instant mais dont l’intensité croît chaque année davantage », confient des représentants syndicaux CGT.

« On part à la retraite une seule fois dans sa vie. C’est le minimum d’avoir au moins un rendez-vous d’une durée suffisante pour bien préparer le dossier et obtenir des réponses » selon François Belloir, délégué syndical CFDT de la Carsat. (Photo : Sam Edwards/Caia image/SCIENCE P / NEW / Science Photo Library via AFP.)

Enfin, cette détérioration massive des conditions de travail impacte les assurés. Retard de traitement, impossibilité d’obtenir un rendez-vous, imbroglio administratif, les situations s’accumulent, comme le racontait l’année dernière Mediapart. Il suffit d’ailleurs de se plonger rapidement dans les avis Google des différentes caisses de retraite pour sentir cette détresse. « Ça fait un an que mon dossier est en cours d’étude par un conseiller et je n’ai aucune ressource. J’ai juste demandé la réversion de mon défunt mari, et aucun retour. Impossible de les joindre. C’est terrible, je vais me trouver à la rue à 89 ans », écrit par exemple Jacqueline.

Récemment, l’Assurance retraite a ouvert des créneaux de rendez-vous à prendre en ligne. Ils ont été pris d’assaut par des personnes n’hésitant pas à mentir sur les raisons pour en obtenir un. « Avant, on avait la main sur nos rendez-vous. Ils étaient utiles et ciblés sur les publics fragiles et les dossiers urgents. Aujourd’hui, les assurés prennent leurs rendez-vous en autonomie et biaisent les motifs pour en obtenir un à tout prix. Donc ils sont souvent inutiles et prennent la place d’assurés qui en auraient vraiment besoin. Cela crée du mécontentement », regrette Hélène Bouhouf. Leur durée a, elle, été réduite de 45 à 20 minutes.

Que voulez-vous qu’on fasse d’un rendez-vous de 20 petites minutes montre en main ?

« Quand on a affaire à des publics fragiles, qui attendent ce rendez-vous parfois depuis des mois, que voulez-vous qu’on fasse de 20 petites minutes montre en main ? » souffle Guillaume. « On part à la retraite une seule fois dans sa vie. C’est le minimum d’avoir au moins un rendez-vous d’une durée suffisante pour bien préparer le dossier et obtenir des réponses », abonde François Belloir. « Le besoin des assurés français est d’avoir un maximum de contact avec des vraies gens, des experts. On a donc une ambition de maintenir un niveau très fort de rendez-vous, répond Jérôme Friteau. Même si des rendez-vous paraissent “inutiles”, on reste aussi là pour maintenir cette relation. »

Mouvement social d’ampleur

Cette dégradation de la prise en charge des assurés engendre colère et frustration de leur part. « À la Carsat Bretagne, les incivilités ont été multipliées par trois entre 2021 et 2022 », assure François Belloir. Selon plusieurs organisations syndicales, un homme serait récemment entré avec un couteau dans les locaux d’une agence retraite à Créteil. Il a pu monter dans les bureaux, qui n’étaient pas sécurisés. Après cet événement, les représentants du personnel se sont inquiétés pour leur sécurité et ont demandé l’installation d’un système de badge pour accéder aux étages. Demande refusée par la direction.

« Les situations concernant les assurés mécontents restent rares. Nous ne savons pas si la direction des infrastructures retiendra l’option de l’installation d’un système de badge pour accéder aux étages par l’escalier ou l’ascenseur. En attendant, il convient de bien veiller au bon fonctionnement des fermetures de portes », peut-on lire dans le compte rendu de la réunion des représentants de proximité de Créteil. « Faut-il vraiment attendre un drame pour agir ? » questionne un syndicaliste. « L’impact de tels événements, répétés ou non, est important sur la santé des salariés. Ils peuvent générer des situations de stress et les agents ne se sentent pas suffisamment formés et accompagnés pour y faire face », note le rapport d’expertise.

C’est le serpent qui se mord la queue. La détérioration des conditions de travail des agents de l’Assurance retraite entraîne une moins bonne prise en charge des assurés, qui engendre colère et ressentiment de leur part. Des sentiments qui affectent les salariés qui ont l’impression de mal faire leur travail, témoignant de leur profond attachement à leur mission de service public. Jusqu’à quand ce cercle infernal pourra-t-il durer ? Selon nos informations, plusieurs organisations syndicales, à l’initiative de différentes agences d’Île-de-France, prépareraient un mouvement social d’ampleur dans les semaines à venir. 


Conformément au droit de la presse, la direction générale de la CNAV a souhaité obtenir un droit de réponse suite à notre enquête sur les conditions de travail en son sein. Politis maintient l’intégralité de ses révélations, sourcées et documentées.

Droit de réponse de M. Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d’assurance vieillesse

En application des dispositions de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la Caisse nationale d’assurance vieillesse entend répondre à l’article publié dans Politis le 17 mai 2023, intitulé « Tentatives de suicide, burn-out, stress et fatigue : alerte rouge à la Cnav ». En effet, il apparaît dans cet article que la grande majorité des informations qui ont été communiquées sont erronées ou biaisées.

Dès le début de l’article, il est affirmé que les ambitions pour 2022 de la caisse étaient claires, à savoir une diminution de 10 % des coûts de gestion, et une hausse de la productivité de 8 %. Or, de 2020 à 2022, les coûts de gestion ont au contraire progressé de 4,6 %, bien loin des 10 % de baisse allégués.

L’article poursuit en évoquant deux tentatives de suicide, l’une il y a deux ans et demi, et la plus récente il y a dix-huit mois. La Cnav a accompagné les salariés concernés à l’occasion de ces événements dramatiques, en sachant qu’ils n’ont eu heureusement aucune conséquence pour leur santé. En ce qui concerne le deuxième événement, la direction a rencontré le jour même la salariée ainsi que ses collègues. Par ailleurs, une enquête conjointe employeur-CSE a été immédiatement lancée, à l’initiative de l’employeur, pour en établir les causes, et un plan d’actions a été mis en œuvre. Contrairement à ce qui est indiqué dans l’article, la première tentative n’avait aucun lien avec une quelconque difficulté professionnelle et n’a pas eu lieu sur le site de travail : aussi la direction ne s’est-elle pas exprimée sur le sujet. La prévention des risques psycho-sociaux a toujours été une priorité pour la Cnav et, contrairement à ce qu’indique l’article, il n’y a nulle « poussière sous le tapis », mais à l’inverse une transparence absolue, dans le respect de la vie privée des agents.

À cette fin, l’article fait le lien avec une expertise CSE qui n’a en réalité aucun lien avec la tentative de suicide alléguée.

Il est en outre affirmé que les effectifs diminuent drastiquement de 7,5 % par an.

Ces chiffres sont faux, puisqu’au 31 décembre 2018 la Cnav comptabilisait 3 168 équivalents temps plein, puis 3 400 au 31 décembre 2021 et 3 473 au 31 décembre 2022. Les effectifs ont donc progressé de 10 % en quatre ans.

L’article dénonce également le recours jugé trop important aux CDD alors qu’en 2022 la Cnav a comptabilisé 87 CDD, ce qui représente moins de 3 % des effectifs. Il convient de préciser en outre que 28 % des CDD de la Cnav ont été transformés en CDI en 2022, alors que la moyenne nationale tourne autour de 10 % de titularisation. On est donc loin, comme l’affirme l’article, d’une précarisation de l’emploi à la Cnav par le biais des CDD.

L’article poursuit ensuite sur une supposée course à la productivité qui serait incarnée par la liquidation provisoire, alors que cette pratique représente au contraire de la charge en plus et, en cela, constitue plus une perte qu’un gain de productivité.

La liquidation provisoire est en effet encadrée et permet de mettre en paiement un dossier pour lequel on attend un dernier document non bloquant, ce qui permet d’éviter des ruptures de ressources en cas de non-réponse d’un assuré ou d’un partenaire. Elle s’inscrit donc dans une stratégie de service public volontariste pour améliorer le service rendu aux assurés de la Cnav.

L’article déforme également le recours à la plateforme de services par le 39 60, critiquant une réduction supposée de la qualité comme de la durée de réponse, alors que d’une part le taux de décroché n’a jamais été aussi bon, soit un taux de 85,15 % sur 2022, contre 78,79 % en 2018, et que d’autre part la durée moyenne des appels n’a jamais été aussi longue, soit 4,45 minutes en 2022 contre 4,03 minutes en 2018.

Il en va de même en ce qui concerne l’outil informatique Syrca, qui aurait été déployé à marche forcée dès 2021 pour « réduire les effectifs ». Or cet outil n’est pas encore déployé, demeure au stade expérimental, et la volonté de la direction est de s’appuyer sur le travail des « pionniers » dans chaque caisse qui travaillent déjà avec cet outil pour améliorer ses performances et son ergonomie avant toute généralisation.

Par ailleurs, la politique d’accroissement des rendez-vous est critiquée, alors que le développement des rendez-vous n’est fait que pour répondre aux besoins des assurés, et s’inscrit au cœur des missions de conseil et d’accompagnement de la Cnav. La difficulté principale des publics fragiles n’est pas que le temps d’un rendez-vous ait diminué, comme c’est affirmé dans l’article, mais qu’ils ne soient pas assez, voire jamais en contact avec nos structures et agents. C’est pour cette raison que la Cnav déploie des démarches pour aller vers cette population et lui apporter le service le plus approprié possible.

Enfin, il est fait référence à la pratique d’un harcèlement moral institutionnel, proche de ce qui a été observé dans le procès de France Telecom, ce qui est parfaitement inacceptable, puisque, tout à l’inverse, la Cnav se mobilise quotidiennement pour recruter, former et fidéliser ses collaborateurs.

À travers l’ensemble des propos, c’est au final un portrait négatif qui est dressé des collaborateurs de la Cnav et du réseau de l’Assurance retraite, alors qu’ils se dévouent à leur mission de service public et à l’amélioration des services rendus par l’Assurance retraite.

Ces propos outranciers et caricaturaux ne rendent pas justice au travail de grande qualité et à l’engagement quotidien des salariés. La Cnav entend, par ce droit de réponse, rétablir la réalité des faits. 


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Publié dans le dossier
Burn-out à l'Assurance retraite
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