Ça ne se fait tout simplement pas

Pour Emmanuel Macron, on ne combat pas le RN avec des « arguments moraux ». Il faut dire qu’en matière de morale, le président est bien loin d’être un exemple.

Sébastien Fontenelle  • 7 juin 2023
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Ça ne se fait tout simplement pas
Emmanuel Macron, le 19 avril 2023.
© Ludovic MARIN / PISCINE / AFP.

Emmanuel Macron a remis ça. Au mois d’avril 2022, déjà, et comme on l’avait alors relevé dans l’espace congru de cette chronique (1) : il avait décrété, quelques jours avant le second tour de l’élection présidentielle qui l’opposait à la candidate du Rassemblement national (RN), que « les leçons de morale, ça ne marche pas » contre Marine Le Pen.

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Dont je réclame vainement le doublement depuis le couronnement de l’empereur Charlemagne, en l’an 800.

Et donc il vient de récidiver en rabrouant sa Première ministre, qui avait eu l’effronterie de déclarer que ledit RN était selon elle « héritier de Pétain ». Oyant cela, qui est factuellement et historiquement exact, le chef de l’État françousque s’est mis en colère, et il s’est remis à grincher qu’il ne fallait pas combattre l’extrême droite avec des « arguments moraux », comme cela se faisait d’après lui dans les « années 1990 », parce que c’est inefficace.

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Je me suis alors posé deux questions. Petit un : comment se fait-il que Macron soit si remonté contre la morale ? Petit deux : la morale, c’est quoi ?

Et pour répondre d’abord à cette deuxième interrogation, j’ai consulté mon dictionnaire préféré, d’après lequel la morale est « l’ensemble » des « règles concernant les actions permises et défendues dans une société, qu’elles soient ou non confirmées par le droit ». Ou, pour le dire autrement : l’« ensemble des normes ou règles de conduite » communément « admises » – ou pas – en un lieu et un temps donnés.

On n’honore pas la mémoire d’un maréchal qui a collaboré activement avec les nazis.

Ici (en France) et maintenant, par exemple, nous avons encore tendance à considérer – et à convenir, tou·tes ensemble – qu’il y a des choses qui ne se font tout simplement pas. Par exemple : on n’honore pas – en prétextant que c’est vrai qu’il a peut-être un peu déconné sur la fin, mais que c’était quand même un sacré « grand soldat » – la mémoire d’un maréchal qui a collaboré activement avec les nazis.

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Autre exemple : on ne met pas Géraldarmanin dans le ministère de l’Intérieur – même en expliquant qu’on lui a couillûment parlé « d’homme à homme » et qu’il a brillamment passé le test. Itou : si le ministre de la Justice est renvoyé devant la Cour de justice de la République pour « prises illégales d’intérêts », on ne lui maintient pas « toute [sa] confiance ». Itou : si le secrétaire général de l’Élysée est mis en examen pour « prise illégale d’intérêts », on ne lui maintient pas « toute [sa] confiance ». Itou : quand il appert que le ministre du Travail, qui vient d’imposer une hideuse réforme des retraites, va être jugé en novembre 2023 pour « favoritisme », on l’exfiltre, discrétos – et on essaie de se faire oublier quelque temps en s’organisant une sortie au contact des habitant·es des îles Leygues (0 habitant·e), dans l’archipel des Kerguelen.

Je n’ai plus de place pour d’autres exemples de ce que notre morale commune réprouve, mais tu auras compris que nous avons sans doute trouvé un commencement de réponse à ma question « petit un » de tout à l’heure : nous commençons à deviner pourquoi Macron n’aime pas les « arguments moraux ».

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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