Assa Traoré : « On a commencé une bataille qui n’est pas près de s’arrêter »

Après le non-lieu prononcé par les juges d’instruction pour trois gendarmes impliqués dans la mort d’Adama Traoré, plusieurs familles de victimes de violences par les forces de l’ordre ont affiché leur détermination lors d’un rassemblement à Paris, ce 5 septembre.

Hugo Boursier  • 6 septembre 2023
Partager :
Assa Traoré : « On a commencé une bataille qui n’est pas près de s’arrêter »
Assa Traoré, place de la République à Paris, le 5 septembre 2023, lors du rassemblement pour dénoncer le non-lieu dans le dossier de son frère Adama.
© JULIEN DE ROSA / AFP

Il n’y avait pas que le seul Comité Adama, place de la République à Paris, ce mardi 5 septembre. Aux côtés d’Assa Traoré, les familles de Nahel, mort à Nanterre le 27 juin dernier, de Souheil el Khalfaoui, tué à Marseille, le 4 août 2021, de Claude Jean-Pierre, décédé au CHU de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) le 3 décembre 2020, de Gaye Camara, mort à Épinay-sur-Seine le 17 janvier 2018, encore de Babacar Gueye, abattu par la BAC à Rennes, dans la nuit du 2 au 3 décembre 2015.

Autant de camarades de lutte venus pour afficher leur soutien à la sœur d’Adama Traoré, mort dans la caserne de Persan (Val d’Oise), le 19 juillet 2016. Une affaire longue de sept ans et pour laquelle la justice a prononcé, vendredi 1er septembre, une décision importante : un non-lieu pour les trois gendarmes impliqués dans le drame survenu le jour de l’anniversaire du jeune homme de 24 ans.

Sur le même sujet : En hommage à Adama Traoré, la convergence des colères face aux interdictions

Les juges d’instruction ont ainsi suivi le réquisitoire rendu par le parquet de Paris en juillet. Une décision qui ne freine pas la détermination du Comité, outré devant « cet État qui décide de qui doit vivre ou mourir, de qui doit s’habiller long, large ou court, de qui doit aller en prison ou rester libre, de qui a le droit à la parole, de qui a le droit de manifester ». Le 6 juillet, la préfecture du Val d’Oise avait interdit le rassemblement annuel organisé par le Comité à Beaumont-sur-Oise.

Racisme structurel

Pour Assa Traoré, ce non-lieu n’est pas la dernière page de l’épais dossier judiciaire qui concerne son frère. La famille a annoncé faire appel de cette décision, et attend également la date de l’audience de la cour d’appel de Paris suite à sa demande de reconstitution des faits. Ce non-lieu intervient après « de multiples versions de la justice pour expliquer la mort d’Adama », dénonce Assa Traoré.

Pendant 7 ans, on nous a dit qu’Adama n’avait subi aucune violence, comme si les gendarmes ne l’avaient même pas touché.

Assa Traoré

« Pendant 7 ans, on nous a dit qu’Adama Traoré n’avait subi aucune violence, comme si les gendarmes ne l’avaient même pas touché », affirme-t-elle, tout en égrenant les motifs évoqués au fil de l’enquête : « infection cardiaque », « sous l’emprise de l’alcool, de la drogue », « mort à cause de la drépanocytose ». Pourtant, rappelle-t-elle, lors de leur première audience en 2016, les gendarmes avaient affirmé qu’Adama avait « pris le poids de [leur] trois corps ».

« On a commencé une bataille qui n’est pas près de s’arrêter », lance-t-elle, avant que Youcef Brakni, membre du comité, souligne avoir déjà « remporté une victoire » : la visibilisation des violences policières en France et la présence du nom « Adama » dans de nombreux médias internationaux. « Aujourd’hui, affirme Mahamadou Camara, dont le frère a été tué en 2018, quand des forces de l’ordre tuent ou mutilent des Noirs et des Arabes, ils bénéficient toujours d’un non-lieu. Cette justice-là, elle est politique ».

Sur le même sujet : Refus d’obtempérer : quand la police tue

Cette « stratégie » qui consiste à « innocenter » s’est retrouvée dans l’affaire de Souheil el Khalfaoui, rappelle sa tante, Samia. « La vidéo qui avait filmé la mort de mon neveu venait des caméras de surveillance de la Caisse d’épargne. Au moment du classement sans suite, notre avocat a constaté que les caméras qui avaient été mises sous scellé avaient disparu. C’est ça, la justice française », explique-t-elle. En insistant que les familles de victimes sont aujourd’hui « réunies ». Et seront présentes le 23 septembre pour la manifestation contre les violences policières.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Dans 56 journaux télévisés, moins de 3 minutes sur Gaza
Palestine 12 novembre 2025 abonné·es

Dans 56 journaux télévisés, moins de 3 minutes sur Gaza

Un mois après le « plan de paix » signé sous l’impulsion de Donald Trump, Benyamin Netanyahou a relancé les bombardements sur Gaza, en violation de l’accord. Depuis trois semaines, les médias français semblent passer sous silence la reprise de l’offensive israélienne.
Par Kamélia Ouaïssa
« À la Philharmonie de Paris, le public nous a littéralement lynchés »
Palestine 11 novembre 2025

« À la Philharmonie de Paris, le public nous a littéralement lynchés »

Jeudi 6 novembre, le collectif Palestine Action France a perturbé la tenue du concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël à la Philharmonie de Paris. Des militants se sont fait violemment frapper par des spectateurs. Pour la première fois, une participante prend la parole pour expliquer sa version des faits.
Par Pierre Jequier-Zalc
Philharmonie de Paris : le contenu des deux plaintes pour violence volontaire
Révélations 10 novembre 2025

Philharmonie de Paris : le contenu des deux plaintes pour violence volontaire

Lors de l’action contre la tenue du concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël à la Philharmonie de Paris, jeudi 6 novembre, deux militants propalestiniens se sont violemment faits frapper. Blessés, ils ont porté plainte pour violence volontaire.
Par Pauline Migevant et Pierre Jequier-Zalc
Alix*, blessée à Sainte-Soline : « Les gendarmes ont eu la permission de tuer »
Entretien 6 novembre 2025

Alix*, blessée à Sainte-Soline : « Les gendarmes ont eu la permission de tuer »

Elle a été blessée gravement lors de la manifestation contre les mégabassines, en mars 2023 et déposé plainte. Pour Alix*, les révélations de Mediapart et Libération démontrent le caractère institutionnel de la violence au sein de la gendarmerie.
Par Pierre Jequier-Zalc