Cédric Kahn : « Nous avons filmé à la manière d’un direct sportif »

Avec Le Procès Goldman, le réalisateur met en scène deux personnalités hors norme, Pierre Goldman et son avocat Georges Kiejman, au cours d’un combat judiciaire de haute volée.

Christophe Kantcheff  • 26 septembre 2023 abonné·es
Cédric Kahn : « Nous avons filmé à la manière d’un direct sportif »
Arieh Worthalter incarne Pierre Goldman dans toute son intensité.
© Séverine Brigeot

Présenté en ouverture de la Quinzaine des cinéastes à Cannes (lire ici notre critique du film), Le Procès Goldman est un huis clos étourdissant, explosif. Il revisite le second procès obtenu en 1976 par Pierre Goldman (Arieh Worthalter) après l’annulation du précédent, qui s’était conclu par une condamnation à perpétuité. S’il revendique des braquages à main armée, Goldman nie avoir tué deux femmes, deux pharmaciennes. Entre-temps, ce militant et intellectuel révolutionnaire avait publié Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France (en « Points » Seuil), immense livre qui, à l’époque, a fait de lui une vedette aux yeux de l’intelligentsia parisienne.

Lors de ce procès, Goldman a pour conseil un jeune et brillant avocat, Georges Kiejman (Arthur Harari), qui va y imposer tout son talent, malgré l’inimitié qui règne entre les deux hommes. Avec ce film de combat judiciaire homérique, Cédric Kahn montre qu’il n’a rien perdu de sa fougue de metteur en scène, de son goût pour les personnages hors norme, de sa capacité à faire surgir à l’écran des questions politiques et existentielles. Le retrouver pour un entretien, auquel il s’adonne très librement, est un plaisir.

Quelle idée de cinéma a présidé au choix de faire ce film ?

Pour moi, la forme est au service du propos. Une fois que je comprends bien ce dont j’ai envie de parler, je peux envisager la manière dont je vais le dire. La forme naît du fond. C’est sans doute pourquoi mes films peuvent avoir des styles assez différents. Je ne suis pas parti avec une idée de cinéma sur ce film, mais avec une envie de raconter quelque chose.

Faire un film de procès n’était pas une tentation première ?

L’idée de départ, c’est de faire un film sur Pierre Goldman. J’ai aussitôt écarté l’idée d’un biopic, car les biopics ne m’intéressent pas. Je ne voulais pas davantage d’un film hagiographique. Finalement, le procès m’a paru le meilleur endroit pour appréhender cet homme : parce que tout est dit au cours d’un procès, et en même temps on garde la distance nécessaire. Donc observation, fascination éventuellement, mais pas identification.

Pourquoi Pierre Goldman ?

Il est passionnant, transgressif, brillant, drôle, provocateur, ambivalent. Il a une personnalité électrique. C’est un personnage de cinéma car il convoque à la fois la fiction et la réalité. Dès que j’ai lu son livre, il y a une quinzaine d’années, j’ai su qu’il pourrait se passer quelque chose à l’image en raison de son tempérament.

Le Procès Goldman est à mes yeux un film hors système. C’est un huis clos, sans musique, sans flash-back, sans star.

On a l’impression que vous avez filmé ce procès à la manière d’un match, d’un combat, comme si le tribunal était une cocotte-minute sur le point d’exploser…

Le dispositif de filmage est un dispositif de direct sportif, qui peut se résumer ainsi : plusieurs caméras, fixes et hors du champ de bataille. C’est à peu près la façon dont on a tourné le film. Les trois caméras étaient presque toujours loin des acteurs, avec de très longues focales pour aller chercher les visages. La profondeur de la salle était privilégiée. À Yann Dedet, le monteur, j’ai dit : « Choisissons les plans où il y a le plus de monde possible. » C’est une conception de l’exercice de la justice comme un match verbal, dialectique. La salle, composée de groupes ayant chacun une fonction sociale (les policiers, les gauchistes…), était libre de ses réactions. C’est pourquoi je considère que les figurants, ici, sont aussi des acteurs : ils interagissent tellement avec le jeu des comédiens principaux ! D’ailleurs, au générique, ils sont tous cités. Ce n’est pas fréquent.

Vous avez aussi conçu quelques plans avec des reflets en miroir, où l’on voit Goldman en surimpression quand parlent ceux qui l’aiment : sa femme, son père…

Il y a quatre plans de la sorte. Le but était de créer un trouble et une perte de repère spatial quand a lieu un échange avec un protagoniste particulier. C’est intéressant par rapport à ce qu’on se disait plus

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Cinéma
Temps de lecture : 11 minutes