Pour aller voir le rugby à Lille, un aller-retour express en jet pour Emmanuel Macron

Loin des logiques de sobriété assenées depuis des mois au sommet de l’État, le président de la République s’est offert un petit plaisir ce jeudi soir : un aller-retour Paris/Lille pour aller assister au match de rugby France-Uruguay. Un plaisir coûteux en carbone.

Pierre Jequier-Zalc  • 15 septembre 2023
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Pour aller voir le rugby à Lille, un aller-retour express en jet pour Emmanuel Macron
Emmanuel Macron, au stade Pierre-Mauroy de Lille, pour assister au match France-Uruguay, lors de la Coupe du monde de rugby, le 14 septembre 2023.
© Sameer Al-Doumy / AFP

Trente minutes. C’est le temps qu’il a fallu à Emmanuel Macron, confortablement installé dans son Falcon 7X – un jet de la marque Dassault appartenant à l’Armée de l’air – pour parcourir les 220 kilomètres reliant Paris à Lille. Décollage un peu avant 20 heures. Arrivée sur les coups de 20 heures 30. Vite, le président de la République se rend au stade Pierre-Mauroy, où doit commencer le deuxième match de l’équipe de France de rugby dans sa Coupe du monde. L’adversaire du jour, l’Uruguay. Il arrive pile à temps pour les hymnes, où les caméras le captent, tout sourire. Cette fois, il ne prend pas le risque de descendre sur la pelouse, après la bronca essuyée en ouverture de ce tournoi, au Stade de France.

Pas de pot, le match est nul. La France s’impose dans la douleur, 27-12. Une fois terminé, Emmanuel Macron s’en va serrer quelques mains, peut-être saluer les joueurs. Pas longtemps en tout cas. À 00 h 15, il est déjà de retour dans son Falcon 7X, qui se pose avant une heure du matin à Paris.

Une heure de TGV

Un aller-retour express donc, dans l’unique but d’aller voir un match de rugby. La pratique questionne, surtout pour se rendre dans une ville si proche de la capitale. Car Lille se situe à 220 kilomètres de Paris. Le TGV met 1 heure 02 pour y aller. Une voiture, roulant à allure « normale », à peine plus de deux heures. Évidemment, aucune ligne d’aviation civile de passagers n’existe entre ces deux villes, quasiment voisine. Dans une circulaire signée en novembre 2020, l’ancien Premier ministre Jean Castex demandait ainsi aux administrations d’État à ce que « la voie aérienne ne soit autorisée que lorsque le temps de trajet par la voie ferroviaire est supérieur à trois heures ». Ce trajet jusqu’à Lille ne rentre clairement pas dans ce cas de figure.

Jet privé Macron Lille
Capture d’écran du trajet effectué par le président de la République, le 14 septembre 2023. (DR.)

Le problème ? Cet aller-retour en jet de la République est très coûteux en carbone. Plus de 1,5 tonne de CO2. Soit 75 % de ce que devrait émettre un Français en un an pour atteindre l’objectif de neutralité carbone. Pour les finances publiques, ce petit plaisir sportif coûtera aussi plus de 5 000 euros. Surtout, si le président de la République doit forcément pouvoir se déplacer vite, ce 14 septembre ne semble pas le nécessiter. Son agenda est vierge de tout rendez-vous ce jeudi soir et ce vendredi matin. Et un match de rugby n’est pas un moment d’urgence particulier. Autrement dit, Emmanuel Macron aurait peut-être pu prendre quelques dizaines de minutes supplémentaires pour aller à Lille.

Cet aller-retour en jet de la République est très coûteux en carbone. Plus de 1,5 tonne de CO2.

Cet aller-retour n’est pas exceptionnel pour le chef de l’État. Comme l’avait révélé Basta !, Emmanuel Macron est un adepte des jets de la République pour ses déplacements, même les plus courts : comme ce déplacement en hélicoptère pour un Issy-les-Moulineaux – Le Bourget (20 km), à l’occasion du Salon international de l’air et de l’espace. Certains membres du gouvernement n’hésitent pas non plus à user de ce moyen de transport. Pas plus tard qu’il y a une dizaine de jours, Élisabeth Borne et Gabriel Attal ont été épinglés pour leur aller-retour en Ille-et-Vilaine en jet.

Face à ces comportements, c’est forcément une question d’exemplarité qui se pose. Alors que la France sort d’un été particulièrement chaud, la question de la sobriété des comportements est toujours mise en avant par le gouvernement. Face au journaliste Youtubeur HugoDécrypte, il y a une dizaine de jours, Emmanuel Macron affirmait, sur la question écologique : « Nous, dans nos modes de vie, qu’est-ce qu’on va tous faire ? On va se poser des questions qu’on ne se posait pas avant. Est-ce que j’ai vraiment besoin de faire ça ? C’est les comportements qu’on appelle de sobriété. » Une question que le chef de l’État ne se pose donc visiblement pas à lui-même.

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