« Le cinéma est un rite magique »
Rabah Ameur-Zaïmeche imagine que des gars d’une cité dévalisent un prince arabe. Rencontre avec le cinéaste qui nous parle de lutte des classes, d’espaces poétiques et du meurtre de Nahel.
dans l’hebdo N° 1774 Acheter ce numéro

© Unifrance / Les Alchimistes
Vingt ans après son premier long métrage, Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe ?, Rabah Ameur-Zaïmeche, à nos yeux l’un des très grands cinéastes en France aujourd’hui, raconte à nouveau une histoire se déroulant dans une cité. Là, M. Pons (Régis Laroche), un tireur d’élite de l’armée à la retraite, vient de perdre sa mère. Tandis que des gars du quartier, à qui Mme Pons mère faisait des crêpes quand ils étaient gosses, s’apprêtent à braquer la voiture d’un prince arabe contenant quantité de liasses de billets. Le Gang des Bois du temple est un polar qui n’en est pas un, davantage disposé à écouter les silences et à observer la façon dont la tendresse circule entre les habitants de la cité, de la même façon que le cinéaste avait tourné Les Chants de Mandrin (2012), un autre voleur de grand chemin. De cette confrontation entre un ultrariche et des « lascars », tous arabes, émane aussi un propos politique fort, que confirme l’entretien que Rabah Ameur-Zaïmeche nous a accordé. Où il ne dit presque jamais « je », mais « nous », « parce que le cinéma est avant tout un art collectif ».
Le film a été tourné dans la cité du Grand Parc, à Bordeaux, ainsi qu’à Marseille. Et la banlieue nord de Paris est évoquée. Qu’est-ce qui fait l’unité de ces paysages urbains ?
Rabah Ameur-Zaïmeche : Leur architecture et la population qui y vit, c’est-à-dire le prolétariat : des petits fonctionnaires, des employés et des familles d’ouvriers, issus pour beaucoup d’une multitude de pays. C’est une richesse que rarement la France a connue. Certains de ces quartiers peuvent être considérés comme des enclaves multiethniques. Au départ, la vocation des grands ensembles était de loger les gens des bidonvilles, qui étaient nombreux. Cela a apporté un vrai progrès social – cuisines équipées, chauffage central, baies vitrées… – mais a aussi induit une uniformisation des modes de vie. Cette uniformisation a soudé ces populations jusqu’à ce qu’elles soient considérées comme trop unies, trop dangereuses. Dès lors, on a dynamité.
C’est ce qui est arrivé à la cité des Bosquets, à Montfermeil, où j’ai grandi, comme à beaucoup d’autres. La cité du Grand Parc, qui était elle aussi vouée à la destruction, a été sauvée par l’Unesco, qui l’a considérée comme un patrimoine bâti. La rénovation urbaine qui s’est ensuivie a été réussie parce qu’elle s’est faite en respectant la population, en la consultant, en allant dans le sens des intérêts des citoyens qui y vivent. Un exemple : les ascenseurs ont été sortis de leur obscurité, comme on le voit dès le premier plan du film, qui est un panoramique sur la cité : aujourd’hui, les habitants montent chez eux en s’élevant et en voyant le ciel de plus en plus grand.
Le film commence par
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