Passés présents

Deux livres, Des jours meilleurs de Jess Walter et Widowland de C.J. Carey, nous alertent sur notre époque.

Sébastien Fontenelle  • 18 octobre 2023
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Passés présents
© Annie Spratt / Unsplash

Dans un moment ponctué, en France, par les renoncements des principales centrales syndicales (1) et, aux États-Unis, par l’extraordinaire mobilisation emmenée par les United Auto Workers (UAW), principal syndicat du secteur automobile, qui nous rappelle à point nommé qu’en de telles matières la résignation n’est jamais une fatalité, Des jours meilleurs (2) prend évidemment un relief particulier.

1

Qui donnent très fort l’impression d’avoir abandonné l’idée même d’appeler à une grève générale, plutôt qu’à de vaines journées de mobilisation…

Ce magnifique roman de Jess Walter narre en effet la découverte du syndicalisme ouvrier états-unien, au tout début du siècle dernier, à Spokane (État de Washington), par deux frères – Gig, 23 ans, et Rye, « pas encore dix-sept » – qui tentent de survivre dans « un monde » extraordinairement brutal, « où une poignée de riches vi[t] dans les nuages pendant que les autres, affamés et réduits en esclavage, dorm[ent] à même le sol, pour être arrachés à leur sommeil par une meute hargneuse » et policière
« qui v[eu]t les noyer » – pour les punir de leur indocilité.

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Jess Walter, Des jours meilleurs, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch, 10-18, 475 pages, 9,60 euros.

Des jours meilleurs Jess Walter

On l’aura compris : lorsqu’il nous plonge dans ce passé, ce fier et fort livre – dans lequel apparaît aussi l’impressionnante figure d’Elizabeth Gurley Flynn (1890-1964), future dirigeante, dans les années 1960, du Parti communiste des États-Unis d’Amérique – nous parle évidemment de notre présent : de notre monde à nous, dans lequel les riches le sont toujours plus, pendant que « les autres » ne mangent toujours pas à leur faim…

Le passé dont nous parle C. J. Carey est dystopique, mais nous renseigne – et nous alerte –, lui aussi, sur notre époque. Cette autrice et journaliste britannique imagine, dans Widowland (3), saisissant roman, que les nazis ont gagné la Seconde Guerre mondiale : en 1953, l’Angleterre
est ainsi devenue un protectorat quadrillé par les SS, sur lequel règne Alfred Rosenberg, idéologue du Reich.

3

C. J. Carey, Widowland, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Fabienne Gondrand, 10-18, 453 pages, 9,20 euros.

C. J. Carey, Widowland

Les femmes, désormais deux fois plus nombreuses que les hommes, y sont classées en fonction de « leur patrimoine », de leur « leur statut reproducteur » et de « leurs caractéristiques », puis enfermées dans un système de castes où trône l’« élite » des « Geli » et des « Klara », ainsi nommées d’après « la nièce adorée » et « la mère » d’Hitler, et au bas duquel survivent les « Frieda » : les « veuves » et « vieilles filles de plus de cinquante [ans] qui [n’ont] pas d’enfant, pas de finalité reproductive et [ne sont] pas au service d’un homme ».

Quand des slogans séditieux apparaissent sur les murs de Londres quelques jours avant une visite du « Leader » (dont le nom, à la différence de ceux de ses collaborateurs, n’est jamais cité), l’héroïne, Rose Ransom, « femme de catégorie 1 » travaillant pour le ministère de la Culture, est chargée d’enquêter.

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Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes
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