« Car il n’y a pas de paix sans justice »

Prompte à dénoncer les atrocités perpétrées par les armées russes en Ukraine, la France s’abstient par contre, concernant Gaza, de nommer précisément les horreurs pour ce qu’elles sont.

Sébastien Fontenelle  • 8 novembre 2023
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« Car il n’y a pas de paix sans justice »
Une famille palestinienne dans des ruines, suite à une frappe israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 6 novembre 2023.
© MOHAMMED ABED / AFP

Il semblerait qu’il y ait, pour les autorités françaises, des crimes inacceptables et d’autres qui, bien que tout aussi abominables, sont plus tolérables – et, de fait, beaucoup mieux tolérés. Depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022, comme on sait, la France, à fort bon droit, n’a jamais cessé de dire – puis de redire, puis de redire encore – l’effroi et l’indignation que lui inspiraient les crimes perpétrés dans ce pays par les armées russes. On se rappelle qu’au mois de mars dernier Emmanuel Macron avait encore accusé Vladimir Poutine de vouloir « soumettre la nation ukrainienne par la force ».

On se rappelle que le chef de l’État français avait surtout trouvé des mots extrêmement forts et précis pour déclarer : « L’agression russe a conduit à une systématisation des crimes de guerre contre l’Ukraine et contre sa population. » Puis : « Aucune exaction, aucune violation du droit international, aucun crime de guerre ou crime contre l’humanité ne doit être oublié. Car il n’y a pas de paix sans justice. » Et on se rappelle qu’il avait ensuite demandé, pour que ces crimes soient jugés, la création d’une « instance disposant d’une légitimité internationale suffisante, et qui joue un rôle complémentaire par rapport aux outils internationaux déjà en place » – qu’il trouvait donc insuffisants.

Emmanuel Macron n’accuse personne de vouloir ‘soumettre’ les Palestinien·nes de Gaza ‘par la force’.

Très bien. Mais à Gaza, depuis un mois, plus un jour ne s’écoule sans que l’armée israélienne ne perpètre de nouvelles atrocités. Elle cible, en vrac – et sous le couvert, toujours, de l’éradication du terrorisme : des immeubles d’habitation, des camps de réfugiés, des écoles, des ambulances, des hôpitaux… Elle massacre des civil·es, par milliers. Des enfants – par milliers (1). 

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Des journalistes, aussi, par dizaines – comme si, décidément, elle souhaitait que personne ne puisse témoigner de ses crimes.

Pourtant, Emmanuel Macron, soudainement pris de retenue, s’abstient, là, de nommer précisément ces horreurs pour ce qu’elles sont. Il n’accuse personne de vouloir « soumettre » les Palestinien·nes de Gaza « par la force ». Et lorsqu’il consent finalement, après un mois de bombardements, à rappeler que « la lutte contre le terrorisme, ce n’est pas l’attaque indiscriminée contre les populations civiles », il s’abstient, cette fois-ci, de préciser explicitement, comme lorsqu’il évoquait au mois de mars le martyre de l’Ukraine, qu’une telle « attaque indiscriminée » constitue non seulement une « exaction », mais, par surcroît, une « violation » délibérée « du droit international » et un très probable « crime de guerre » ou « contre l’humanité »

Et bien sûr ce flou lui permet de ne pas réclamer, comme il l’avait fait quelques mois plus tôt pour les criminels de guerre russes, que les auteurs de ces massacres soient jugés par une nouvelle « instance » internationale venant compléter celles qui existent déjà. Un peu comme si les tueurs de Palestinien·nes devaient tout de même bénéficier de plus d’égards que les massacreurs d’Ukrainien·nes…

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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