La galaxie Guédiguian

L’exposition « Avec le cœur conscient » montre comme jamais la richesse esthétique de l’univers cinématographique du réalisateur d’Et la vie continue !

Christophe Kantcheff  • 14 novembre 2023 abonné·es
La galaxie Guédiguian
L'exposition se tient à La Friche la Belle-de-Mai, jusqu’au 14 janvier 2024.
© Dutrey

« Robert Guédiguian. Avec le cœur conscient » / La Friche la Belle-de-Mai, jusqu’au 14 janvier 2024, 41, rue Jobin / Marseille

« Il faut entretenir les chemins anciens. Ou en ouvrir de nouveaux. » L’exposition consacrée à Robert Guédiguian qui se tient actuellement à la Friche la Belle-de-Mai, à Marseille, répond à ce précepte entendu dans La Villa (2017), et qui figure sur l’une des cimaises. Du cinéaste né à l’Estaque on connaît déjà beaucoup de choses : Marseille, sa bande d’acteurs – dont Ariane Ascaride, sa femme –, la classe ouvrière, Marius et Jeannette, l’arménité… Il eût été impensable que l’exposition Guédiguian, intitulée pasoliniennement « Avec le cœur conscient », et dont le commissariat a été assuré par la critique Isabelle Danel avec la complicité du cinéaste, ne s’y attache pas de nouveau.

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Mais elle le fait en renouvelant et en élargissant cette connaissance : avec des photos d’enfance peu ou jamais vues, de multiples photos de tournage issues de divers supports, y compris des polaroïds, et plusieurs objets. Comme les tout premiers scénarios, écrits à la main dans des cahiers d’écolier (une autre époque !), y compris ceux qui n’ont pas été tournés. C’est émouvant mais non fétichiste : cela souligne que les débuts sont toujours essentiels et fragiles, même quand le cinéaste acquiert plus tard la solidité et l’aura d’un Guédiguian.

Familles choisies

Si le parcours est chronologique, certaines thématiques ont été mises en avant. Non sans humour, comme dans les petits films de montage réalisés par Bernard Sasia, le monteur fidèle depuis toujours, puisant dans l’œuvre entière (vingt-trois longs métrages au compteur), rassemblant toutes les scènes de bar ou celles ayant trait au sacré : l’alcool et les églises ont leur part dans ce cinéma. On y trouve aussi les ouvriers, la politique ou, sur les cimaises, les familles choisies : que ce soit dans les films de Guédiguian ou dans la maison de production, Agat films, qu’il a largement contribué à développer, on adopte (ou intègre) beaucoup.

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Outre la moto personnelle du cinéaste, à l’écran dès son deuxième long-métrage, Rouge midi (1984), et très présente dans son avant-dernier opus, Twist à Bamako (2021), film dont on peut voir des extraits doublés en bambara, l’exposition fourmille d’affiches en toutes langues, de photogrammes, de dessins de costumes, de portraits des comédiens et des équipes réunies. Même si la parole du metteur en scène au « cœur conscient » n’est pas négligée, cette prodigalité des images offre un point de vue original et singulier sur l’univers graphique et esthétique du cinéaste. Elle réaffirme aussi joyeusement la visibilité d’un monde social dominé et de personnages toujours minoritaires dans l’horizon cinématographique. Un beau voyage en Guédiguianie.

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Exposition Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes