Minimum jeunesse

Les gouvernants se refusent toujours à ouvrir aux jeunes le médiocre filet de sécurité des plus de 25 ans : le RSA. Raison avancée : ne pas inciter les jeunes à la paresse. A contrario de ce que disent toutes les études.

Thomas Coutrot  • 12 décembre 2023
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Minimum jeunesse
© Yoab Anderson / Unsplash

La crise du covid a touché les jeunes avec une violence singulière, en particulier celles et ceux des catégories populaires, déjà en activité ou encore en études, assignés aux emplois précaires qui avaient alors brutalement disparu. Leur taux de dépression a doublé, passant de 10 à 20 %, notamment à cause de l’incertitude du lendemain. Pourtant, les gouvernants se refusent toujours à ouvrir aux jeunes le médiocre filet de sécurité dont disposent malgré tout les plus de 25 ans : le RSA. La raison avancée par les macronistes et toute la droite : ne pas inciter les jeunes à la paresse.

Pourtant, toutes les études empiriques, même quand elles sont menées par des économistes orthodoxes, démentent l’idée selon laquelle une allocation réduirait la probabilité du retour à l’emploi. L’immense majorité des gens qui le peuvent, jeunes ou pas, souhaitent trouver un emploi pour nouer des relations et se sentir utiles. Le blocage est purement idéologique : il faut inculquer aux jeunes l’idéologie de l’effort sacré, la révérence à la « valeur travail », quelle que soit l’utilité de ce travail ou ses conséquences sur la santé et la nature.

Toutes les études empiriques démentent l’idée selon laquelle une allocation réduirait la probabilité du retour à l’emploi.

De ce fait, le RSA n’est ouvert aux jeunes (90 000 bénéficiaires) que s’ils ont un enfant à charge ou s’ils ont travaillé à temps plein (!) deux ans sur les trois dernières années. Il y a aussi la « garantie jeunes » (90 000 bénéficiaires également), soumise à d’autres conditions tout aussi restrictives. Il reste plus de 400 000 jeunes qui en auraient besoin mais qui n’ont rien du tout (1). Leur ouvrir ce droit coûterait aux finances publiques 3 milliards d’euros : moins que ce que l’État rembourse aux contribuables aisés qui emploient du personnel à domicile.

L’Observatoire des inégalités propose une mesure plus ambitieuse : un RMU (revenu minimum unique) de 900 euros par mois pour une personne seule (1 800 euros pour un couple avec deux enfants). Ce montant de 900 euros correspond au seuil de pauvreté (50 % du revenu médian). Ce RMU améliorerait nettement le niveau de vie des actuels titulaires du RSA, pour un coût budgétaire de seulement 7 milliards d’euros. Il serait beaucoup plus facile à créer qu’un revenu de base distribué à toute la population, usine à gaz au coût colossal.

Mais une condition est décisive : cesser le harcèlement des allocataires, qu’illustre encore le scandale des algorithmes de « chasse aux fraudeurs » des CAF (2). Le droit à une vie décente doit être un droit inconditionnel.

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