« Chroniques de Téhéran » : des histoires de fous

Le film de Ali Asgari et Alireza Khatami montre, non sans humour, des situations absurdes du quotidien en Iran.

Christophe Kantcheff  • 12 mars 2024 abonné·es
« Chroniques de Téhéran » : des histoires de fous
En usant exclusivement de plans fixes, Ali Asgari et ­Alireza Khatami montrent des citoyens prisonniers du cadre.
© Taat Films

Chroniques de Téhéran / Ali Asgari et Alireza Khatami / 1 h 17.

Comme Ten, d’Abbas Kiarostami, ou Ceci nest pas un film, de Jafar Panahi, Chroniques de Téhéran, d’Ali Asgari et ­Alireza Khatami, est un film iranien dont le principe s’appuie sur un dispositif. À savoir : des contraintes de mise en scène posées volontairement une fois pour toutes (de bout en bout du film). Ces contraintes témoignent aussi, dans les pays qui ignorent la démocratie tel l’Iran, de limites imposées à la liberté de création et d’un régime de terreur contre les artistes.

Chroniques de Téhéran se présente ainsi : à neuf reprises, un personnage est filmé de face et plein cadre, en inter­action avec une autre personne qui, elle, est hors champ. Ces neuf personnages, interprétés à la perfection par neuf comédiens, sont tous engagés dans une discussion, quand ce n’est pas un interrogatoire, inscrite dans la vie quotidienne, où ils se retrouvent en difficulté. Par exemple, le père d’un nouveau-né se voit refuser le prénom, David, qu’il souhaite donner à son fils, par l’agent de l’administration qui lui propose des variantes aux consonances moins hébraïques.

Un chômeur est convoqué à un entretien d’embauche où il est interrogé non sur ses compétences mais sur sa pratique de la religion. Une enfant dans un magasin de vêtements, qui danse avec ses écouteurs sur les oreilles au rythme d’une musique occidentale, est peu à peu habillée par sa mère en vue de la rentrée scolaire : elle finit par être totalement recouverte de tissu. La petite s’écrie alors : « Je ne vois plus que deux yeux ! »

Société claustrée

En usant exclusivement de plans fixes, Ali Asgari et ­Alireza Khatami montrent des citoyens prisonniers du cadre, métaphore d’une société claustrée. Une menace pèse sur chacun, mais l’absurde de ces situations est aussi source d’humour noir. C’est notamment le cas avec le personnage du cinéaste qui ne cesse de déchirer des pages de son scénario au fil des exigences du censeur, condition sine qua non pour obtenir des financements, au point de l’expurger presque totalement. On se surprend à penser à des auteurs d’Europe de l’Est du XXe siècle, comme le Polonais Sławomir Mrożek, célèbre pour sa satire de la bureaucratie stalinienne. Dans le même esprit, Chroniques de Téhéran est une œuvre réjouissante de résistance.

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes