Un observatoire pour recenser les atteintes à la liberté de la presse en France

L’Observatoire français des atteintes à la liberté de la presse (Ofalp) s’est lancé le 24 mai lors d’une rencontre publique, réunissant citoyens et journalistes. Il entend recenser et rendre publiques les entraves au droit d’informer, en publiant un rapport annuel.

Clémence Le Maître  • 28 mai 2024 abonné·es
Un observatoire pour recenser les atteintes à la liberté de la presse en France
La soirée de lancement de l'Ofalp, à Paris, le 24 mai. Des journalistes ont pu témoigner des menaces et entraves qu'ils ont subies.
© Mihail Ivanov

Au printemps 2023, un collectif de journalistes et de citoyens venus de divers horizons se forme en vue de créer un outil de recensement des atteintes aux libertés de la presse. En novembre naît l’Observatoire français des atteintes à la liberté de la presse (Ofalp). Une soirée de lancement se tenait le 24 mai, à la Recyclerie à Paris, devant une centaine de personnes. Le projet, né du sentiment d’une augmentation des atteintes au droit d’informer, a pour but de les recueillir et les rendre publiques. Le mantra des initiateurs : « Notre droit de vous informer est votre droit de savoir. »

En 2024, la France se classe au 21e rang mondial dans le rapport annuel sur la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF). « Nous sommes nombreux à être inquiets des atteintes à la liberté d’informer », affirme Lucile Berland, journaliste et coprésidente de l’Ofalp. Un des derniers exemples marquants est le cas d’Ariane Lavrilleux. En septembre dernier, la journaliste d’investigation du site Disclose avait été placée en garde à vue trente-neuf heures et vu son domicile perquisitionné, suite à une enquête de 2021 sur les dérives de la coopération militaire entre la France et l’Égypte.

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L’association soulève aussi le cas des journalistes blessés ou violentés par les forces de l’ordre lors de manifestations. La liberté de la presse n’est pas un sujet corporatiste, selon elle, et concerne tous les citoyens soucieux du bon fonctionnement d’une démocratie. D’où la volonté de l’Ofalp d’être ouvert à tous les citoyens.

Appel à l’aide

Menaces, insultes, intimidations, violences physiques, procès, atteintes au secret des sources, perquisition ou garde à vue. Dans la lumineuse ancienne gare de la Petite ceinture ferroviaire parisienne, la soirée commence par les témoignages de sept journalistes entravés dans l’exercice de leur métier.

Lors de sa prise de parole, le journaliste Simon Fontvieille lance un « appel à l’aide » face aux conditions actuelles du travail d’enquête, que ce soit par rapport à la précarité, mais aussi d’un point de vue humain. Il affirme que « l’investigation locale est une chose qui coûte très cher ». Auteur de plusieurs enquêtes sur des faits de corruption dans la sphère politique toulonnaise, il avait porté plainte en 2023 contre l’ancien maire de Toulon, Hubert Falco, suite à des insultes et des menaces reçues de sa part.

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Inès Léraud, également journaliste d’investigation, a enquêté sur le système agro-industriel en Bretagne et ses conséquences environnementales. Le groupe Chéritel, sur lequel elle enquêtait pour le média Basta!, l’attaque en diffamation en 2021, avant de retirer sa plainte le jour de l’audience. Elle reçoit aussi de nombreuses menaces. Le soir même de l’audience, elle découvre que sa page Wikipédia annonce qu’elle est morte. En parallèle, une de ses témoins, Morgan Large – elle aussi journaliste –, subit plusieurs menaces. Elle se fait, par exemple, dévisser les écrous de sa roue de voiture, ce qui met sérieusement sa vie en danger.

Inès Léraud, journaliste ayant enquêté sur l’industrie agro-alimentaire en Bretagne, dont les algues vertes – son enquête a donné lieu à une bande-dessinée et un film – a témoigné des menaces qu’elle a reçues. (Photo : Mihail Ivanov.)
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Inès Léraud affirme qu’en travaillant pour « l’intérêt général », les journalistes deviennent « des cibles ». Et ajoute que les atteintes commises envers les journalistes couvrant des sujets environnementaux ne cessent d’augmenter. « Un message tacite est lancé : il est permis de nous agresser. »

Base de données

Parce que l’augmentation des atteintes à la liberté de la presse est difficile à documenter, l’Ofalp souhaite les recenser afin de constituer une base de données, pour caractériser, analyser et comprendre ce phénomène. L’objectif final est de rendre publics de façon systématique tous les cas d’entraves et de pressions subies par les journalistes en France. Un rapport sera publié chaque année au printemps, chiffres clés et analyses en main, pour établir un état des lieux de la liberté de la presse dans le pays.

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LOfalp produira également d’autres contenus, des interviews, des fiches conseils, pour savoir réagir face à des violences physiques, par exemple, ou se défendre en cas de procédure bâillon. Des actions de sensibilisation, des plaidoyers et des événements seront aussi organisés.

Ofalp
Juliette Demey (à droite) et Antoine Malo, ex-journalistes du JDD et membres d’Article 34, ont appelé confrères et consoeurs à rejoindre l’Ofalp. (Photo : Mihail Ivanov.)

L’analyse d’une atteinte à la liberté de la presse par l’observatoire se déroule en deux temps. Une cellule de veille recense toutes les atteintes et les classe dans des catégories. L’Ofalp en liste quatre : les atteintes à la sécurité et à l’intégrité physique et morale des journalistes ; les pressions judiciaires et mesures privatives de liberté ; l’entrave au travail de collecte d’information et enfin les pressions, censures et atteintes à l’indépendance, y compris à l’intérieur d’un média ou par des actionnaires. Ensuite, une cellule, composée exclusivement de journalistes, vérifie les informations recueillies. Pour les cas complexes à analyser, un comité se réunit et rend son avis sur l’affaire. L’association souhaite, à terme, créer un outil numérique sécurisé de signalement à destination des victimes d’atteintes.

Juliette Demey et Antoine Malo, ex-journalistes du Journal du Dimanche et membres de l’association Article 34, ont appelé leurs confrères et consœurs à rejoindre l’observatoire, afin de créer un réseau de résistance face aux menaces sur l’indépendance des médias. Une adresse mail (1) a été spécifiquement créée pour les journalistes victimes.

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L’adresse est la suivante : contact (at) ofalp.org

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