La presse libre contre-attaque
Emmanuel Macron a lancé les États généraux de l’information début octobre, n’augurant rien de positif pour la liberté d’informer. Face à leur échec annoncé, plus de cent médias, organisations et collectifs de journalistes (dont Politis) lancent une contre-offensive. 59 propositions seront formulées lors d’une soirée le 30 novembre, retransmise sur notre site.
Emmanuel Macron l’avait promis pendant sa campagne : début octobre ont été lancés des États généraux de l’information, qui visent à fixer les nouvelles « règles du jeu » pour le secteur médiatique. Les conclusions sont attendues en juin. La machine à consulter a été déployée, avec des groupes de travail qui auditionnent et recueillent les contributions, et des événements. Mais les premiers échos ne sont guère rassurants. Peu d’améliorations sont à prévoir sur le front de la liberté de la presse, à l’issue du grand show communicationnel. Celui-ci servira même sans doute à faire passer de nouvelles dérégulations du secteur, déjà marqué par une hyperconcentration entre les mains d’une poignée de milliardaires en mal d’influence.
On connaît la rhétorique : il faudrait renforcer nos grands champions nationaux face à la concurrence des mastodontes étrangers. Qu’importe si c’est inutile et si cela donne plus de poids et de pouvoir à des magnats mal intentionnés, dont Vincent Bolloré est devenu l’archétype. Faut-il le rappeler ? 91 % des journaux quotidiens nationaux distribués en France sont la propriété d’une demi-douzaine de milliardaires, et plus de 44 % de l’audience télévisuelle est assurée par les chaînes de trois groupes – Bouygues, Bolloré, Drahi. On peut douter également de l’objectif affiché par le gouvernement de renforcer la liberté de la presse et la protection des sources, au moment où les pouvoirs publics multiplient les intimidations et les actions judiciaires à l’encontre de journalistes.
Tout est à revoir pour empêcher la constitution de véritables machines de guerre médiatiques au service d’intérêts privés.
Face à l’échec annoncé du dispositif gouvernemental, plus de cent médias, organisations et collectifs de journalistes (dont Politis) ont lancé une contre-offensive, à l’initiative du Fonds pour la presse libre : les « États généraux de la presse indépendante » (EGPI). Première étape : 59 mesures seront présentées le 30 novembre lors d’une réunion publique à Paris (diffusée en direct sur Politis.fr), suivie d’événements en régions (1). Une belle dynamique collective qui vise à rassembler, approfondir et diffuser les nombreuses propositions élaborées depuis des années par tous ces acteurs soucieux d’indépendance et de pluralisme. Parmi les premières mesures défendues, une refonte complète de la loi de 1986 pour restreindre les possibilités de concentration. Cette loi ne tient actuellement pas compte des médias web, de la presse magazine, ni de la localisation des médias – n’imposant de fait aucune limite aux monopoles locaux. Elle ne traite pas de la concentration verticale, en amont des médias (les sociétés de production) et en aval (les canaux de diffusion, comme les opérateurs de téléphonie).
À Lille, Strasbourg, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Clermont-Ferrand, Vire. La liste reste ouverte, n’hésitez pas à vous mobiliser.
Tout est donc à revoir pour empêcher la constitution de véritables machines de guerre médiatiques au service d’intérêts privés. Autre mesure essentielle, davantage de conditionnalité et une meilleure répartition des aides directes (110 millions d’euros en 2022) et indirectes à la presse, dispositif devenu illisible et qui favorise des rentes pour les plus gros médias. Les EGPI proposent également des mesures contre la précarisation des journalistes ou contre la multiplication des atteintes au droit de la presse, comme les poursuites bâillons qui cherchent à empêcher la parution d’informations, ou les plaintes devant le tribunal de commerce pour des délits de presse – Bolloré, qui ose tout, avait ainsi réclamé 50 millions d’euros à France Télévisions en 2018, pour la diffusion d’un documentaire sur ses méthodes en Afrique. Les combats à mener sont nombreux. Les réformes annoncées seront sans doute décisives pour la défense de la liberté d’informer. La mobilisation ne fait que commencer.
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