Où t’es ? RIO où t’es ?

Un an après la décision du Conseil d’État, la police reste toujours peu identifiable. Le gouvernement devait prendre des mesures afin de garantir le port du RIO et sa lisibilité. Du fait de la non-exécution de la décision, quatre organisations, dont la LDH et le Syndicat de la magistrature, saisissent de nouveau le Conseil d’État.

Maxime Sirvins  • 17 octobre 2024
Partager :
Où t’es ? RIO où t’es ?
Une charge de police, le 1er mai 2023.
© Maxime Sirvins

Le 11 octobre 2023, le Conseil d’État contraignait le ministère de l’Intérieur à garantir une meilleure lisibilité du numéro RIO (référentiel des identités et de l’organisation) porté par les forces de l’ordre. Censé permettre l’identification des agents lors de leurs interventions, il restait souvent dissimulé ou tout simplement absent, notamment lors des manifestations. Le Conseil donnait alors 12 mois au gouvernement pour prendre des mesures concrètes, exigeant l’agrandissement du numéro et son port effectif. Mais un an plus tard, force est de constater que peu de choses ont changé.

Sur le même sujet : Le ministère de l’Intérieur sommé de garantir l’identification des forces de l’ordre

Dans un communiqué du 15 octobre 2024, plusieurs associations de défense des droits humains et syndicats, ACAT France, la Ligue des droits de l’Homme (LDH), le Syndicat des avocats de France (SAF) et le Syndicat de la magistrature, dénoncent la non-exécution de cette décision. Elles rappellent que « la majorité des agents des forces de l’ordre ne sont toujours pas personnellement identifiables lors de leurs interventions ».

Inaction persistante des gouvernements

Le nouveau ministre de l’Intérieur doit prouver qu’il respecte l’État de droit

L’une des principales critiques formulées réside dans le fait que le RIO, apposé sur un bandeau amovible de quelques centimètres, reste un numéro « trop petit pour être lisible », une situation qui n’a pas évolué, en dépit de l’injonction du Conseil d’État. « Le nouveau ministre de l’Intérieur doit prouver qu’il respecte l’État de droit », insiste le communiqué, pointant du doigt l’inaction persistante des gouvernements. « Dans une démocratie, la police n’est pas au-dessus des lois et les agents doivent répondre personnellement de leurs actes devant la population. »

Le communiqué souligne que « le RIO n’est pas une option » mais qu’il est « une garantie démocratique », rappelant que l’identification des agents repose sur un principe fondamental de l’État de droit. L’absence de ce numéro lisible empêche de poursuivre des agents responsables de violations des droits et renforce le sentiment d’impunité, selon les signataires.

« Une exigence minimum dans une démocratie »

Les associations estiment que la non-identification des forces de l’ordre est donc un danger pour la démocratie, un fait également souligné par le rapport annuel de 2024 de la Commission européenne sur l’État de droit : « Il est souvent impossible d’enquêter sur les agissements des forces de l’ordre en France, car les auteurs ne peuvent pas être identifiés. » Ce manque de traçabilité « ne peut que générer au sein de la population un sentiment de défiance et de suspicion. »

Malgré la décision du Conseil d’État, la situation n’a pas bougé. Les associations appellent donc le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, à « se conformer immédiatement à la décision du Conseil d’État » et à garantir que le RIO soit enfin rendu visible et systématiquement porté par tous les agents. Selon elles, « l’identification effective des forces de l’ordre est une exigence minimum dans une démocratie ». Les signataires annoncent saisir de nouveau le Conseil d’État pour, cette fois, une demande en exécution de cet arrêt.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Snipers franco-israéliens : « Ce qui est effarant, c’est qu’ils revendiquent leurs crimes de guerre à Gaza »
Justice 1 juillet 2025 abonné·es

Snipers franco-israéliens : « Ce qui est effarant, c’est qu’ils revendiquent leurs crimes de guerre à Gaza »

Deux soldats franco-israéliens sont visés par une plainte de plusieurs ONG, déposée ce 1er juillet à Paris, pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide commis à Gaza. Ils sont accusés d’avoir participé à des exécutions sommaires au sein d’une unité baptisée Ghost Unit.
Par Maxime Sirvins
Procès AFO : quand la « peur de la guerre civile » justifie les projets d’actions racistes
Terrorisme 28 juin 2025

Procès AFO : quand la « peur de la guerre civile » justifie les projets d’actions racistes

De l’instruction à la barre, les 16 prévenus ont constamment invoqué la crainte de la guerre civile qui les a poussés à rejoindre le groupe. Ils ont brandi cette obsession, propre à l’extrême droite, pour justifier les projets d’actions violentes contre les musulmans.
Par Pauline Migevant
Accélérationnisme : comment l’extrême droite engage une course à la guerre raciale
Idées 28 juin 2025 abonné·es

Accélérationnisme : comment l’extrême droite engage une course à la guerre raciale

L’idéologie accélérationniste s’impose comme moteur d’un terrorisme d’ultradroite radicalisé. Portée par une vision apocalyptique et raciale du monde, elle prône l’effondrement du système pour imposer une société blanche.
Par Juliette Heinzlef
Médine : « Ça fait des années que je m’attends à ce qu’une balle se loge entre mes omoplates »
Entretien 25 juin 2025 abonné·es

Médine : « Ça fait des années que je m’attends à ce qu’une balle se loge entre mes omoplates »

Le rappeur, visé par le groupe d’extrême droite AFO, se constitue partie civile lors du procès de ses membres. Il explique en exclusivité à Politis la nécessité de riposter sur le terrain judiciaire dans un contexte de montée du racisme et de l’islamophobie.
Par Pauline Migevant