Réfugiés syriens : des pays européens suspendent les demandes d’asile
Après la chute du régime de Bachar al-Assad, l’incertitude de la situation en Syrie pousse plusieurs pays européens, dont la France, à suspendre les dossiers des réfugiés syriens.
La chute historique du régime de Bachar al-Assad en Syrie marque une rupture politique majeure, entraînant des répercussions bien au-delà du Moyen-Orient. En Europe, les célébrations de la diaspora syrienne ont rapidement laissé place à des annonces politiques sur la gestion des réfugiés. Plusieurs gouvernements, invoquant l’incertitude actuelle en Syrie, ont suspendu les demandes d’asile des Syriens.
Dimanche 8 décembre, des milliers de Syriens se sont rassemblés dans plusieurs villes européennes pour célébrer la chute du régime Assad. À Berlin, environ 5 000 manifestants, ont brandi des drapeaux de la république syrienne et scandé des slogans pour une « Syrie libre ». À Vienne et Paris, la chute du dictateur a également été saluée dans les rues, avec des chants de victoire.
Gel des décisions et expulsion
L’Allemagne, qui accueille environ un million de Syriens, a annoncé un gel des décisions relatives aux demandes d’asile en cours. Nancy Faeser, la ministre de l’Intérieur, a déclaré dans un communiqué que « la situation sécuritaire en Syrie doit être réévaluée avant toute nouvelle décision ». La mesure concerne également les regroupements familiaux, une décision qui pourrait affecter des milliers de personnes en attente de réunification avec leurs proches.
La situation sécuritaire en Syrie doit être réévaluée avant toute nouvelle décision.
N. Faeser
En Autriche, où près de 100 000 Syriens vivent aujourd’hui, la réponse est encore plus drastique. Le ministère de l’Intérieur a annoncé non seulement la suspension des procédures d’asile, mais également la préparation d’un « programme d’expulsion » pour les Syriens déboutés du droit d’asile. Environ 7 300 dossiers sont concernés. Gerhard Karner, ministre de l’Intérieur, a justifié cette décision par les « changements fondamentaux » survenus en Syrie.
Le Danemark a suspendu l’examen de 69 demandes d’asile syriennes et reporté les expulsions en cours. Le pays a également choisi de repousser la date limite pour le départ des personnes susceptibles d’être renvoyées en Syrie, une mesure qui concerne 50 cas. Des annonces similaires ont été faites par la Norvège et la Suède. Ces deux pays invoquent également l’impossibilité, dans le contexte actuel, d’évaluer les risques liés au retour en Syrie.
L‘extrême droite opportuniste
Les répercussions politiques ne se limitent pas aux décisions gouvernementales. En Allemagne et en Autriche, l’extrême droite a rapidement saisi l’opportunité pour intensifier son discours antimigrants. Alice Weidel, cheffe de l’AfD en Allemagne, a déclaré que « quiconque célèbre la ‘Syrie libre’ en Allemagne n’a apparemment plus aucune raison de fuir. Il devrait retourner en Syrie immédiatement ». Le même jour, elle déclarait : « l’Allemagne doit désormais envoyer un signal clair : ‘Les frontières sont fermées, nous n’accepterons plus personne !’ Nous sommes prêts à y parvenir ! »
À Vienne, le FPÖ, qui a remporté les élections législatives en septembre, a appelé à un rapatriement massif des Syriens : « Cela allégera le fardeau du système social autrichien et offrira aux spécialistes syriens du couteau de nouvelles opportunités de développement dans leur pays d’origine. »
Et la France ?
En France, le ministère de l’Intérieur a indiqué travailler sur une suspension des dossiers d’asile en cours provenant de Syrie, suivant l’exemple de l’Allemagne. Aujourd’hui, environ 700 demandes (mineurs inclus) sont toujours en cours de traitement, d’après l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Dans son communiqué, elle indique suivre « attentivement la situation en Syrie ».
En cas de situation évolutive dans un pays d’origine de demandeurs d’asile, cela peut conduire à suspendre provisoirement la prise de décision.
En 2023, la France a enregistré plus de 4 000 demandes d’asile déposées par des ressortissants syriens, d’après l’Ofpra. Sur la même période, l’établissement public administratif indique avoir donné 92,6 % d’accord sur les demandes syriennes (3 530 admissions pour 283 rejets). 897 autres ressortissants syriens ont été admis via la Cour nationale du droit d’asile.
Dans son court communiqué, l’administration rappelle : « Comme toujours, en cas de situation évolutive dans un pays d’origine de demandeurs d’asile, cela peut conduire à suspendre provisoirement la prise de décision sur certaines demandes d’asile émanant de ressortissants syriens, en fonction des motifs. » Au 31 décembre 2023, toujours selon l’Ofpra, 43 589 syriens et syriennes avaient un statut de protection en France, dont 46% de femmes.