La Mairie de Paris demande l’expulsion des mineurs isolés de la Gaîté lyrique

Depuis le 10 décembre, le collectif des jeunes du parc de Belleville occupe le centre culturel de la Gaîté Lyrique, à Paris. Près de 400 jeunes réclament leur droit d’être protégés. Mais ce vendredi 7 février, la Ville de Paris a demandé leur expulsion.

Élise Leclercq  • 7 février 2025 abonné·es
La Mairie de Paris demande l’expulsion des mineurs isolés de la Gaîté lyrique
Depuis le 10 décembre 2024, près de 400 jeunes demandeurs d'asile, mineurs isolés, occupent la Gaité Lyrique à Paris pour réclamer leur droit à un hébergement.
© Gregoire CAMPIONE / AFP

« Solidarité avec les jeunes mineurs isolés ! » Au son d’une fanfare, iels sont plus d’une centaine à se rassembler place Baudoyer. Des jeunes du collectif des jeunes du parc de Belleville, des soutiens et quelques élu·es sont présent·es. « On est là car on veut nous expulser, il n’y a aucune solution proposée alors qu’il fait froid », explique Mohammed, l’un des occupants de la Gaîté lyrique. Depuis le 10 décembre, le collectif des jeunes de Belleville occupe le lieu culturel. Ce vendredi 7 février, le collectif était convoqué au tribunal administratif car la Mairie de Paris a demandé leur expulsion.

Aucun diagnostic social et aucune solution

« C’est un choix de renvoyer la balle aux autorités et aux autres mais c’est irresponsable. On doit trouver des solutions à des situations d’urgence, ces enfants sont en danger », dénonce la députée LFI Danièle Obono, venue soutenir le collectif. « Il y a des possibilités, nous on se mobilise pour l’ouverture de lycée vides qui pourraient être réaménagés pour des familles mais aussi des jeunes. »

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Au tribunal administratif, la salle est comble. Une vingtaine de jeunes sont venus assister à l’audience. L’avocat représentant la Ville de Paris, Maître Falala, commence. Il évoque le risque sanitaire, le risque d’incendie ainsi que celui du trouble à l’ordre public et l’empêchement du bon fonctionnement du lieu. Il affirme alors que des solutions seront proposées par la suite.

Le risque ce n’est pas l’incendie, c’est de mourir en plein hiver.

Avocat des jeunes

Pour la défense, « on est dans l’expectative la plus totale ». « Il n’y a pas eu de diagnostic social », expliquent Maître Bertaux et Maître Sangue. Ils affirment également que de nombreux jeunes n’étaient pas au courant de cette procédure, ce que conteste l’avocat contradicteur. « Leur dossier est vide, ils ont mis la charrue avant les bœufs. Ils ont le droit de demander une expulsion mais ils n’ont pas analysé la situation de ces jeunes », expliquent par la suite les deux avocats de la défense.

Niveau sécurité, des photos présentées à la juge des référés, attestent de la propreté du lieu ainsi que des dispositifs mis en place. « Le risque ce n’est pas l’incendie, c’est de mourir en plein hiver », continuent-ils. Certains jeunes souffriraient même de la tuberculose, une vulnérabilité qui selon eux n’est pas prise en compte.

« En France, il faut arracher ses droits »

Quelques jours auparavant, lors d’une conférence de presse organisée dans le centre culturel et désormais lieu de vie, Adouharaman racontait son parcours qui ressemble à beaucoup d’autres. L’arrivée en France, les évaluations dans les centres, le refus de reconnaissance de minorité, « malgré les papiers et extraits de naissance ». Une procédure critiquée par de nombreuses associations qui se base sur des tests osseux dont la fiabilité est remise en cause.

Il a alors déposé un recours, auprès d’un juge pour faire appel de la décision. « Ça peut prendre des mois, voire un an. Parfois tu déposes les papiers à 16 ans et le temps du recours tu as atteint ta majorité », expliquait l’adolescent. Une phrase résume cette colère : « En France, il faut arracher ses droits. »

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« Si on expulse les gens dehors, les maladies vont s’aggraver et les gens ne seront plus scolarisés », continuait Abdourahaman. « Ils pensent qu’on est le problème de la France, mais non. Nous sommes la cible des racistes et des fascistes. Actuellement le seul lieu contre le racisme c’est la Gaîté lyrique. C’est un lieu de lutte. »

Le but c’est de ne pas retourner à la rue et d’avoir un hébergement.

Et celle-ci ne s’arrête pas là. « Il ne faut pas seulement que vous soyez reconnus mineurs pour qu’ensuite à 18 ans vous soyez des sans-papiers. Il faut qu’on ait de la dignité », criait Mariama, représentante de l’association des sans-papiers, de sa voix puissante. Les applaudissements à chacune de ses paroles résonnaient dans la grande salle.

Une lutte pour l’enfance

D’autres soutiens étaient présent·es à la conférence comme l’intellectuelle Françoise Vergès : « La France a signé la convention des droits de l’enfant, le droit d’avoir un nom, d’être soignés, d’aller à l’école, protégés de la violence, contre toutes les discriminations…. La négation des droits de l’enfant a une histoire, il y a les enfants qui ont le droit à l’enfance, de la classe bourgeoise blanche, et les autres qui sont criminalisés et traités comme des adultes. »

Milord, une autre représentante du collectif était alors lucide sur la suite : « On va peut-être perdre le procès, mais ce n’est pas le but de gagner, le but c’est de ne pas retourner à la rue et d’avoir un hébergement. » La décision sera rendue en milieu de semaine prochaine. « On espère avoir un rejet mais en cas de confirmation de la Ville de Paris, je pense qu’on devrait saisir le Conseil d’État », conclut Me Sangue.

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