Une censure pas belle du tout

Le conte La Belle et la Bête, illustré par Jul et destiné aux CM2, a été retiré in extremis de l’impression par l’Éducation nationale. Une décision assumée par Élisabeth Borne… qui a pourtant préfacé l’ouvrage.

Christophe Kantcheff  • 20 mars 2025
Partager :
Une censure pas belle du tout
"Maintenant, à vous de plonger dans cette histoire peuplée de livres, de musique et de beautés, de différences et de similitudes insoupçonnées" a écrit Élisabeth Borne dans la préface du livre.
© Jul

Dans le cadre de l’opération « Un livre pour les vacances », La Belle et la Bête, le fameux conte de l’autrice du XVIIIe siècle Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, dont le texte original a été respecté avec des dessins de Jul (1), était destiné aux élèves de CM2 et sur le point d’être imprimé et distribué à 800 000 exemplaires. Mais, in extremis, l’Éducation nationale, commanditaire de l’ouvrage, a décidé de rompre brutalement son engagement.

1

Grand Palais RMN Éditions.

Reprenant les arguments de la directrice générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), Caroline Pascal, – qui appartient « à la droite traditionnelle, catholique et discrète » (2) mais qui n’est pas censée faire de la politique à ce poste –, Élisabeth Borne a justifié aujourd’hui sur Europe 1 cette censure et estimé que « sans accompagnement pédagogique, le livre n’est pas adapté » en raison de son « second degré » et de son « ironie ».

2

Citation tirée de Le Mauvais génie, de Vanessa Schneider et Ariane Chemin (Fayard, 2015).

Ironie du sort, si l’on ose dire, la ministre de l’Éducation nationale, qui a affirmé ne pas l’avoir préfacé, a pourtant écrit une préface extrêmement élogieuse, comme le prouve l’exemplaire de La Belle et la Bête que nous nous sommes procuré.

Parce qu’un conte se raconte aussi en images, ce livre offre un voyage visuel sublimé par le talent de Jul.

É. Borne (préface)

On peut notamment lire sous sa plume : « Lire La Belle et la Bête, c’est dialoguer avec le passé autant qu’avec l’autre, et apprendre à mieux saisir ce qui nous unit. Et parce qu’un conte se raconte aussi en images, ce livre offre un voyage visuel sublimé par le talent de Jul. (…) Maintenant, à vous de plonger dans cette histoire peuplée de livres, de musique et de beautés, de différences et de similitudes insoupçonnées où Belle nous rappelle que la véritable beauté est celle du cœur, et la Bête que la bonté révèle ce que l’apparence dissimule. »

Cette préface, qui pour la ministre n’existe donc pas, rend compte avec justesse de ce livre où Jul permet à des écoliers d’aujourd’hui d’entrer en relation immédiatement avec les personnages en leur donnant un aspect très contemporain. La Belle, en effet, y est brune, a la peau mate, et son père vient d’un pays du sud de la Méditerranée. Ce qui ne saurait poser problème à personne, n’est-ce pas ?

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Publié dans
Parti pris

L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.

Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Budget : le pari perdu d’avance d’Olivier Faure
Parti pris 16 octobre 2025

Budget : le pari perdu d’avance d’Olivier Faure

Alors qu’Olivier Faure, le patron des socialistes, promet de « grandes victoires » à venir dans le cadre du débat budgétaire, les contraintes parlementaires et l’équilibre des forces en présence au Parlement garantissent, ni plus moins, l’échec de la promesse socialiste.
Par Pierre Jacquemain
Lecornu : au PS, chronique d’une trahison permanente
Parti pris 14 octobre 2025

Lecornu : au PS, chronique d’une trahison permanente

Le PS s’apprête à ne pas voter la censure contre le gouvernement Lecornu. Une décision au nom de la « responsabilité » qui ravive pourtant un vieux soupçon : celui d’un parti incapable de choisir entre rupture et accommodement. À trop vouloir durer, le socialisme français risque surtout de s’effacer.
Par Pierre Jacquemain
Pourquoi les annonces de Sébastien Lecornu sont une arnaque
Parti pris 14 octobre 2025

Pourquoi les annonces de Sébastien Lecornu sont une arnaque

Au terme d’un discours de politique générale express, Sébastien Lecornu a tout fait pour convaincre le Parti socialiste de ne pas censurer son gouvernement. Et il ne fait plus de doute qu’il aura réussi. Comme cela pouvait être attendu, le parti à la rose a décidé d’être le dernier garant du macronisme.
Par Pierre Jequier-Zalc
La proportionnelle, oui… mais pas seule
Parti pris 14 octobre 2025

La proportionnelle, oui… mais pas seule

En cette période de crise politique, la question du mode de scrutin proportionnel refait surface. Avec un risque majeur : livrer les clés du Parlement à l’extrême droite, sans pour autant redonner le pouvoir au peuple.
Par Pierre Jacquemain