Des milliards d’euros dans la santé, pas dans l’armement !
La Pride des Banlieues, association de lutte pour les droits des personnes LGBTQIA+ des quartiers populaires, appelle à marcher contre la destruction du droit à la santé pour toutes et tous, dans une tribune signée par de nombreux collectifs et personnalités.

© Sameer Al-DOUMY / AFP
Le gouvernement français militarise le pays à hauteur de 413,3 milliards d’euros en 2025 : cela représente une hausse de 40 % par rapport à la loi de programmation militaire précédente. Pourquoi cet argent n’est pas investi dans le budget de la santé ? Comment se fait-il, notamment après l’échec de la gestion de la pandémie de covid-19, que ce même budget n’ait pas été augmenté, pire, privé de 4 milliards d’euros ? Ignore-t-il à quel point cela frappe de plein fouet les soignant.es et les soigné.es, et principalement les personnes dont l’accès aux soins est déjà très restreint, par manque de moyens ?
Ce sont toujours les personnes les plus précaires (…) qui subissent le désengagement de l’État dans la santé publique.
Cette année, la Pride des Banlieues appelle à marcher contre la destruction du droit à la santé pour tous·tes. Dans un contexte où nous devons être présent·es sur tous les fronts pour militer contre l’extrême droite, nous rappelons que nous ne pouvons pas militer quand l’État nous tue. Aujourd’hui, la question de la santé est primordiale dans notre lutte car elle met en exergue les enjeux de politiques néocoloniales, de racisme médical, de classisme, des discriminations LGBTQIA+, de l’accueil des personnes sans papiers et des personnes handicapées.
Dans ce combat pour un accès à la santé pour tous·tes, c’est en partant des marges que nous obtiendrons des droits pour tous·tes, car ce sont toujours les personnes les plus précaires (personnes migrantes, en situation irrégulière, pauvres, racisées, handies, LGBTQIA+) ou vivant dans les espaces délaissés comme les banlieues, qui subissent le désengagement de l’État dans la santé publique.
Ainsi, le maintien intentionnel de personnes en situation illégale sur le territoire permet à l’État de justifier des politiques racistes en matière d’accès à la santé, en se cachant derrière le dispositif largement insuffisant de l’aide médicale d’État (AME). Alors même que la régularisation de tous les sans papiers permettrait d’ouvrir l’accès au régime de la sécurité sociale à tous·tes.
Qui a le droit de vivre ?
Dans un contexte post-covid où les infrastructures et les personnels de santé manquent cruellement de moyens et de formations, investir 1 milliard d’euros dans la santé publique permettrait de réduire les disparités territoriales d’accès à la santé qui creusent les inégalités sociales, économiques et raciales.
Rappelons nous toujours que les investissements publics sont des choix politiques et en matière de santé publique, la répartition budgétaire de l’État est d’abord celle d’une question centrale : qui a le droit de vivre et qui doit mourir ?
Nous refusons que le droit à la santé soit conditionné à nos papiers, notre nationalité, nos caractéristiques physiques, notre orientation sexuelle et à notre genre.
Cette question ne sort pas de nulle part, elle est posée très concrètement par les choix politiques racistes d’un gouvernement qui entretient de multiples liens avec l’extrême-droite. Ces directives, dont l’objectif est clair – la mise en place d’une préférence nationale et raciale – sont aujourd’hui largement relayées médiatiquement, ce qui invisibilise complètement la réalité de celles et ceux qui les subissent.
Nous refusons que le droit à la santé soit conditionné à nos papiers, notre nationalité, nos caractéristiques physiques, à notre orientation sexuelle et à notre genre. Nous refusons de mourir du syndrome méditerranéen, du manque de place dans les hôpitaux ou de la non-prise en charge de nos soins. L’égalité dans la prise en charge de la santé pour tous·tes, en plus d’être un droit fondamental, permet de réguler et de protéger des épidémies et notamment des hépatites virales et du VIH.
En 2024, le CNS réaffirmait le principe d’accès universel à la prévention et aux soins notamment car les conditions de vie difficiles et la précarité « sont un facteur majeur d’exposition accrue aux risques de santé, en particulier au VIH et aussi aux hépatites B et C, aux troubles mentaux et aux violences sexuelles ».
Chaque année l’AME est menacé dans les discours et les propositions de loi de plus en plus restrictifs portés par la droite, l’extrême-droite et le camp présidentiel.
Prenons l’exemple de l’aide médicale d’État : presque chaque année, ce dispositif est menacé dans les discours et les propositions de loi de plus en plus restrictifs portés par la droite, l’extrême droite et le camp présidentiel.
Pourtant, en lui-même, le dispositif est déjà largement insuffisant. L’AME représente moins de 0,5 % des dépenses totales en santé publique et seulement 51 % des personnes éligibles en bénéficient réellement. Alors même que pour le CNS, la restriction de l’AME aux soins urgents fait obstacle à l’accès à la prévention et aux soins primaires, notamment la PrEP et le traitement antirétroviral, des outils cruciaux dans la lutte contre la propagation du VIH.
Politique raciste d’accès à la santé
Oui, l’AME doit être revalorisée, et l’accompagnement vers ce dispositif doit être facilité auprès des personnes bénéficiaires. Mais lorsqu’il est question de santé publique, nous sommes tous·tes lié·es par notre présence sur le même territoire. À ce titre, rien ne peut justifier la mise en place de politiques préférentielles racistes et xénophobes d’accès à la santé. Nous revendiquons la régularisation de tous·tes les sans-papiers et l’accès au régime de la sécurité sociale pour tous·tes, sans condition.
Prenons l’exemple de l’hôpital public. La crise de la santé et de l’hôpital public s’aggrave avec l’aval du gouvernement. En 2023, 7 millions de français.es sont sans médecin traitant, ce qui les prive d’un parcours de soins adapté et du remboursement des médicaments. Ceci conduit à un renoncement aux soins pour au moins un tiers de la population.
Nous souhaitons alerter sur le racisme dans les prises en charge médicales, prenant le nom de « syndrôme méditerranéen » et conduisant parfois à la mort d’individus.
Du côté de l’offre de soin, les fermetures de lits se poursuivent et les services d’urgence sont contraints de réduire leurs heures d’ouverture ou de fermer temporairement, et cela sur tout le territoire. La situation, déjà connue dans les zones rurales et certaines zones urbaines, continue de s’étendre malgré des appels urgents au changement.
Nous alertons sur de telles politiques car la question de la santé publique met en évidence les disparités sociales et économiques des individus. Si se soigner coûte cher, alors beaucoup ne se soigneront pas. Ce qui signifie ad finem, que les politiques de santé publique décident de qui doit mourir et de qui doit vivre.
Si la santé est l’affaire de tous·tes, nous sommes tous·tes en droit d’être correctement pris·es en charge, indépendamment de nos caractéristiques raciales, de genre et identités. Les inégalités d’accès à la santé augmentent aussi les discriminations racistes et LGBTQI+phobes. À ce titre, nous souhaitons alerter sur le racisme dans les prises en charge médicales, prenant le nom de « syndrôme méditerranéen » et conduisant parfois à la mort d’individus, comme le décès tragique de Meggy Biodore, survenu en novembre dernier à la suite d’un refus de prise en charge par le Samu.
Mayotte, département militarisé
Prenons l’exemple de Mayotte. Les habitant·es de ce territoire colonisé ne peuvent bénéficier ni du dispositif de l’AME, ni de la protection universelle maladie (Puma). Cette dernière garantit pourtant le droit à la prise en charge des frais de santé, tout au long de la vie, indépendamment de la situation professionnelle. Bien que la départementalisation de ce territoire tende à rapprocher son régime de sécurité sociale du régime de la métropole, il est régi par une autre caisse, la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM).
Par exemple, ce n’est qu’en 2019 que l’assurance accidents de travail-maladies professionnelles et la retraite complémentaire obligatoire ont été mis en place. Et pour la complémentaire santé solidaire (C2S), il a fallu attendre 2024. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) puis le Défenseur des droits appellent à l’intégration de Mayotte au dispositif de droits commun de protection maladie.
C’est à se demander dans quelles circonstances Mayotte est considéré comme un département français, si ce n’est pour le militariser. Par ailleurs, les pratiques des agences de santé nationales, comme l’ARS qui incite les femmes à se faire stériliser, traduisent la continuité de politiques néocoloniales qui passent aussi par un contrôle médical des populations. Ainsi, les conditions d’accès aux soins cristallisent aussi les politiques coloniales et néocoloniales de l’État Français.
Contre la poursuite de politiques coloniales à travers un contrôle médical, contre la mise en place d’une préférence nationale raciste et LGBTQIA+phobe, contre les coupes budgétaires dans la santé publique qui renforcent les disparités socio-économiques et territoriales d’accès à la santé, nous exigeons :
- La régularisation de tous les sans-papiers et l’accès au régime de la sécurité sociale sans condition ;
- Des milliards d’euros investis dans la santé publique ;
- L’arrêt des politiques austéritaires qui cassent les budgets de l’hôpital public, ses soignants et ses patients, et la réouverture de lits et de postes de soignant.es dans tous les déserts médicaux, qu’ils soient en ville ou en ruralité ;
- La formation des médecins et des personnels de soins à l’accueil digne des publics immigrés, racisés, LGBTQIA+ ;
- La facilitation et l’accompagnement des personnes bénéficiaires vers le dispositif d’AME ;
- La garantie légale d’un droit au séjour et d’une protection d’expulsion du territoire en faveur des personnes atteintes de pathologies graves, n’ayant pas accès aux soins dans leurs pays d’origine.
Collectifs signataires
Assemblée Générale Soins Antiracistes
NousToutes
Nous Toutes 93 antiraciste
Nos enfants trans
OST Organisation de Solidarité Trans
Collectif Orta Şekerl
Wassla
Queer Éducation
Queer racisé.es Lille
Queers for Iran Liberation
Collectif FÉMINISTE La GRENADE (Metz, 57, et bien au-delà)
Personnalités signataires
Soa de Muse, artiste performeur.euse, drag queen
Tahnee, humoriste
Mamari, humoriste, autrice et chroniqueuse
Noam Sinseau, humoriste
Melissa Laveaux, auteur.ice, compositeur.ice, interprète
Jacob-Elijah, influenceur et militant
Camille Étienne, activiste écologiste
Zazem, créatrice de contenu et journaliste
Estelle Prudent, photographe
Mariana Benenge, chorégraphe et activiste
Lobbygouines, militante
Maurice Etienne de similiqueer
Hortense Belhôte, comédienne, autrice professeure d’histoire de l’art
KahiBaby, DJ
With us, collectif de DJ
Nasteho Aden, présidente Carré citoyen
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