« Leila et les loups », du côté des femmes
Inédit en France, le film réalisé en 1984 par Heiny Srour, raconte 80 ans d’histoire de la Palestine et du Liban.
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Leila et les loups / Heiny Srour / 1 h 30.
Avec Randa Chahal Sabbagh et Jocelyne Saab, Heiny Srour fait partie de la génération des réalisatrices libanaises marquées par la guerre civile (1975-1990), dont l’œuvre mérite d’être davantage montrée. Celle de Heiny Srour est réduite en nombre de films – deux longs métrages, un de fiction et un documentaire, et des courts – mais certainement pas limitée en intérêt.
Née à Beyrouth il y a 80 ans dans une famille juive, elle rompt avec elle pour faire des études à Paris et suit notamment les cours de Jean Rouch sur le cinéma direct. Elle se rend ensuite au Dhofar en pleine guerre, où elle filme les combattants du Front populaire de libération du Golfe arabe occupé (FPLGAO), opposé à la présence des troupes britanniques à Oman. Elle en tire un documentaire en 1974, L’heure de la libération a sonné. Le film est sélectionné en compétition à Cannes, Heiny Srour devenant ainsi la première cinéaste arabe y figurant.
Elle réalise Leila et les loups dix ans plus tard, le tournage s’étendant sur plusieurs années. Un film résolument anticonformiste, puisqu’il revisite 80 ans d’histoire du Liban et de la Palestine en mettant en exergue le rôle des femmes, et dans une forme singulière. Leila et les loups est en effet composé d’épisodes ou de tableaux dont l’action se déroule à différentes périodes, avec des comédiens récurrents interprétant divers rôles, auxquels s’ajoutent des images d’archives (datant de la Palestine sous mandat britannique, notamment).
Patriarcat écrasant
Le récit opérant comme fil rouge se situe à Londres en 1975, où Leila (Nabila Zeitouni) prépare une exposition sur la Palestine. Elle fait remarquer à son compagnon, Rafic (Rafic Ali Ahmad), photographe, qu’aucune femme ne figure sur ses clichés. On va alors la retrouver, d’épisode en épisode, en robe blanche, traversant les époques. Par exemple dans la Palestine des années 1936 à 1939, où les femmes assurent un soutien logistique dangereux et indispensable à la résistance armée. La cinéaste montre le patriarcat écrasant de la société arabe. Le massacre du village de Deir Yassin en 1948 par l’Irgoun (organisation terroriste de la droite sioniste), qui n’a épargné personne. Et nombre de scènes de la guerre civile libanaise.
Leila et les loups, inédit en France (et dans une version restaurée), témoigne aussi d’un regard prospectif. La mise en scène persistante d’une assemblée de femmes en niqab, peu porté à l’époque au Liban, semble annoncer un retour rigoriste de la religion. Le cinéma, avec Heiny Srour, avait décidément quelques longueurs d’avance.
07 mai : Paris, Espace Saint-Michel
07 mai : Paris, Luminor.
7 mai : Toulouse, American Cosmograph
7 mai : Marseille, La Baleine
7 mai : Montélimar, Les Templiers
14 mai : Strasbourg, Le Cosmos
14 mai : Vénissieurs, le Gérard-Philippe
19 mai : Saint-Denis, L’Écran
28 mai : Guingamp, Les Korrigans
28 mai : Saint-Étienne, Le Méliès
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