« Indomptables » : enquête à Yaoundé
Thomas Ngijol signe avec succès un film africain.
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© Why Not Production
Indomptables / Thomas Ngijol / 1 h 21.
Thomas Ngijol a voulu faire d’Indomptables, qui était présenté à Cannes à la Quinzaine des cinéastes, un film intégralement africain, lui qui a grandi en banlieue parisienne. Cela sentait le piège à plein nez : le cinéaste pouvait s’adonner au pittoresque, embellir le Cameroun d’où viennent ses parents ou aligner les clichés. Rien de tout cela. Au contraire, il émane de son quatrième long métrage, le deuxième qu’il réalise seul, une véracité impressionnante.
L’humoriste y a manifestement mis toute sa part africaine (ce dont il a hérité intimement et ce qu’il a saisi sur place) et est allé au bout de son projet : s’il interprète – et de quelle manière ! – le personnage principal, tous les autres comédiens sont camerounais (et excellents). Il n’a pas repeint, au sens littéral ou métaphorique, le Yaoundé où il a tourné et qu’il a mis en scène : on y voit notamment la prolifération de la drogue et de la violence qu’elle engendre, ou un hôpital laissant un homme mourir car sans argent.
En se glissant dans la peau d’un flic (le commissaire Billong) enquêtant sur le meurtre d’un de ses collègues, Thomas Ngijol s’est donné un rôle passionnant, mais peu flatteur. Pour obtenir des aveux du pauvre homme qu’il soupçonne d’être l’assassin, le commissaire a en effet recours aux coups et à ce qui s’apparente à de la torture. Des méthodes archaïques qui se montrent en outre inefficaces. Ngijol s’est donné une forme de raideur dans sa façon de se mouvoir, une manière un peu butée. Que l’on retrouve plus encore lorsque le commissaire est à la maison. Où, dans sa vie familiale, il est tout aussi intraitable avec ses enfants, qu’il pense pouvoir mener à la baguette.
Réussite
Indomptables se présente ainsi comme le portrait d’un homme et d’un pays, tous deux vecteurs de traditions ou d’us et coutumes déconnectés du présent. Les embouteillages monstres de Yaoundé sont à l’image d’un Cameroun bloqué. Le commissaire se cogne contre un mur du fait de son comportement patriarcal. Sa femme (Thérèse Ngono) n’est d’ailleurs pas la dernière à lui faire vivement la leçon.
Le film s’avère extrêmement vivant grâce à l’humour qu’il y a instillé.
Toutes ces raisons font d’Indomptables une réussite. S’en ajoutent d’autres : le ton, par exemple. Thomas Ngijol n’a pas oublié qui il est aussi, c’est-à-dire un réalisateur qui a le goût de la comédie. Librement adapté du documentaire de Mosco Levi Boucault, Un crime à Abidjan, son film s’avère extrêmement vivant grâce à l’humour qu’il y a instillé et qui évite aux situations de tomber dans le drame. Ngijol s’ouvre là une voie de cinéma qu’il sera intéressant de suivre.
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