« Moi, ma mère et les autres », la vie sans tango
Venue d’Argentine, une comédie absorbant le tragique.
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© JHR Films Distribution
Moi, ma mère et les autres / Iair Said /1 h 15.
En pleurs, torse nu, David, la trentaine, gémit parce que son amour le quitte. D’emblée, Iair Said ne montre pas son protagoniste à son avantage, et on va vite découvrir que David peut être faible et menteur. Un antihéros, autrement dit Monsieur Tout-le-monde. Le cinéaste plaide pour ce type de réalisme, y compris celui des corps : comme chez Guiraudie, David est gay et n’a rien d’un top mannequin : il est très enrobé. Également comédien, le cinéaste l’incarne – et ce n’est pas un vain mot.
Le spectateur va tout de même ressentir de la sympathie pour David. Grâce à des situations comiques, notamment lors du voyage en avion qui le ramène chez lui, à Buenos Aires, après avoir vécu à l’étranger. Il est aussi maladroit dans ses approches sexuelles ou amoureuses, qui ressemblent à celles d’un adolescent attardé.
David retourne loger chez sa vieille mère (Rita Cortese, une actrice star en Argentine) au moment où son oncle vient de mourir et où son père est dans le coma à l’hôpital. C’est là que David est touchant, peu armé qu’il est pour affronter ces drames familiaux, mais aimant et attentionné envers sa mère, sa tante (Antonia Zegers) et sa sœur (Juliana Gattas).
Sincérité singulière
« La comédie argentine de l’année », comme l’annonce le matériel promotionnel du film, est tout de même habitée par la mort, le sentiment de perte et l’épreuve de voir son mari ou son père survivre comme un légume. Suivant son parti pris réaliste et prosaïque, Iair Said n’élude cependant pas le problème que pose le coût des obsèques pour la famille désargentée. Si David et les siens prennent leur religion juive au sérieux, ils en ignorent certains rites et ne semblent pas très pratiquants. Mais ils fêtent Pessah autour d’un repas qui les rassemble dans la bonne humeur.
Moi, ma mère et les autres se veut très approchant du flux de la vie, dont les événements surviennent sans hiérarchie, de la même manière que David cherche sur internet combien de temps on peut rester vivant dans le coma puis, l’instant d’après, visionne un porno gay. Pour cette forme de sincérité singulière, Moi, ma mère et les autres est à saluer. Aussi parce qu’il est heureux qu’un tel film existe aujourd’hui en Argentine, un pays où la culture a été laminée par son président fasciste.
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