« Anatomy », les chants de la Terre

Se révélant depuis peu une autrice-compositrice-­interprète remarquable, la cinéaste anglaise Sally Potter publie un superbe album folk-blues-jazz dédié à notre souffrante planète.

Jérôme Provençal  • 28 mai 2025 abonné·es
« Anatomy », les chants de la Terre
© Adventure Pictures

Anatomy / Sally Potter / Bella Union

Artiste plurielle, Sally Potter a abordé le cinéma par son versant le plus expérimental, réalisant quelques courts métrages en 1969-1970 – elle avait alors à peine 20 ans. Surtout active comme danseuse et chorégraphe durant les années 1970, elle s’est engagée en parallèle dans la scène musicale londonienne, au sein de divers groupes, dont l’emblématique Feminist Improvising Group. Devenue principalement cinéaste par la suite, elle a signé à ce jour neuf longs métrages de fiction, le plus (re)connu étant Orlando (1992), adaptation du roman éponyme de Virginia Woolf, avec Tilda Swinton dans le rôle (transformiste) principal.

Sally Potter n’a pas pour autant réduit au silence la musicienne qui vit aussi en elle, loin de là. Elle a ainsi composé – en totalité ou en partie – la bande originale de plusieurs de ses films. Franchissant un cap supplémentaire, elle s’affirme maintenant, sur la dernière partie de sa vie, comme une autrice-compositrice-interprète de premier plan.

Sa nouvelle naissance artistique s’est accomplie d’abord via Pink Bikini (2023). Enregistré avec le renfort de plusieurs instrumentistes, dont le chevronné et très aventureux guitariste Fred Frith, cet album inaugural – au fil duquel Sally Potter évoque, tout en délicatesse, ses années de jeunesse – creuse le sillon d’un folk-blues parlé-chanté, proche de Leonard Cohen.

Ballades fugueuses

Deux ans après, lui succède Anatomy, nouvel album sous-titré Love Songs to the Earth (Chansons d’amour à la Terre) et conçu comme une ode vibrante à notre planète au bord de l’extinction. « Chaque chanson vient d’un point de vue différent, mais elles sont réunies sous le thème général de cette tragédie en cours », explique Sally Potter, accompagnée ici par un équipage musical encore plus étoffé. Y apparaît de nouveau Fred Frith et y figure aussi notamment l’inventive percussionniste Valentina Magaletti.

Jamais éploré ni pontifiant, l’album délivre douze ardentes ballades fugueuses – aux instrumentations et aux nuances variées – qui ondoient entre jazz, folk et blues avec des accents à la Tom Waits. Empreint d’une légère coloration baroque, l’ensemble propage tout du long une vibrante sensibilité éclairée. La Terre n’en méritait pas moins.

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Musique
Temps de lecture : 2 minutes