Avec Bruno Retailleau, Les Républicains officiellement lepénisés

Le triomphe du ministre de l’Intérieur à la tête des Républicains signe un énième rétrécissement idéologique du parti. Un résultat laissant entrevoir un nouveau rapprochement entre la droite et l’extrême droite.

Lucas Sarafian  • 19 mai 2025
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Avec Bruno Retailleau, Les Républicains officiellement lepénisés
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau, à côté du président du Sénat français Gérard Larcher, après son élection à la présidence des Républicains, à Paris, le 18 mai 2025.
© Kiran RIDLEY / AFP

Le résultat ne change rien. Les adhérents des Républicains (LR) ont tranché : Bruno Retailleau a été élu à 74,3 %. Le ministre de l’Intérieur bat le président du groupe à l’Assemblée, Laurent Wauquiez. Voilà pour le principal changement. Car, au fond, il serait faux d’affirmer que les deux candidats se sont différenciés par des lignes politiques, des projets et des idées radicalement différentes.

Pendant toute la campagne interne, ils n’ont jamais débattu du fond. Il était plutôt question de stratégie, de parcours politique, de la participation ou non au gouvernement, etc. Le patron des députés et l’ex-chef de file des sénateurs étaient d’accord sur presque tout. À part quelques idées totalement surréalistes, même pour le Rassemblement national (RN), comme celle d’envoyer tous les OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon, le débat n’a pas eu lieu.

Les deux se sont cantonnés à leurs obsessions communes : la sécurité et l’immigration.

Les deux se sont cantonnés à leurs obsessions communes : la sécurité et l’immigration, deux questions qu’ils tiennent pour liées (à droite, c’est une habitude depuis quelques années). Et ils ont placé, plus ou moins clairement, la gauche en ennemi public numéro un, reléguant ainsi le parti de Marine Le Pen et de Jordan Bardella en problème secondaire.

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Le gouvernement peut se réjouir de ce résultat. Alors que Laurent Wauquiez voulait voir son parti prendre son indépendance par rapport à la Macronie, la victoire du patron de la place Beauvau permet de sauver le fragile « socle commun » à l’Assemblée. Néanmoins, la victoire de Bruno Retailleau à la tête d’un parti ragaillardi de plus de 120 000 adhérents pourrait, à plus long terme, assécher l’espace politique de certains ambitieux du « bloc central ». Écartelés entre une potentielle candidature social-démocrate et le nouveau président de LR, Élisabeth Borne, Gabriel Attal ou Édouard Philippe peineraient ainsi à trouver un espace politique viable en vue de 2027.

Le score de cette élection valide la longue dérive du parti.

Chez LR, ce congrès ne résout rien. Car Laurent Wauquiez n’a pas enterré toutes ses ambitions. Durant la campagne, ses soutiens s’efforçaient de décorréler ce congrès de la désignation d’un candidat pour la présidentielle. Une façon d’anticiper la défaite de l’ancien président de la région Auvergne-Rhône-Alpes et de ne pas enterrer trop vite ses ambitions. Wauquiez y croit encore : cette défaite cuisante (25,7 %) n’obère pas ses chances pour la suite.

Atrophie idéologique

Mais, politiquement, le score de cette élection valide la longue dérive du parti. En choisissant un héritier de la « droite Trocadéro », ancien bras droit de Philippe de Villiers et de François Fillon, défenseur de la Manif pour tous, fervent opposant à l’IVG dans la Constitution, chouchou des médias Bolloré, le parti s’ancre dans un prisme réactionnaire, ultralibéral, identitaire, sécuritaire, conservateur, antiwoke, anti-immigrés…

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Loin, très loin, de cette droite libérale et pro-européenne qu’a connue la France il y a un certain temps. Les Républicains continuent ainsi leur atrophie idéologique entamée par la candidature de François Fillon en 2017 et poursuivie par l’élection d’Éric Ciotti à la tête du parti en 2022. Bruno Retailleau pourrait-il concrétiser le projet d’union des droites du député de Nice ?

La peste et le choléra n’ont plus qu’à se serrer la main.

L’idée d’une alliance avec le RN est officiellement récusée. À droite, on l’affirme : c’est impossible, surtout pour des raisons économiques. Comme si, sur tous les autres sujets, il était envisageable de négocier un accord électoral. Après tout, Bruno Retailleau, qui se dit « gaulliste », parle déjà comme Marine Le Pen et Jordan Bardella. Lors des débats sur la loi immigration en 2024, ne défendait-il pas une « préférence nationale » pour l’accès aux prestations sociales et une restriction du droit du sol ? N’a-t-il pas attaqué ces « juges rouges » du Syndicat de la magistrature après la condamnation de la fille de Jean-Marie Le Pen ? La peste et le choléra n’ont plus qu’à se serrer la main.

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Parti pris

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