Pologne, Portugal, Roumanie : la poussée de l’extrême droite en trois infographies

Trois scrutins, trois pays, une même alerte démocratique : en Pologne, au Portugal et en Roumanie, l’extrême droite enregistre des scores inédits, confirmant sa percée durable sur la scène politique européenne.

Maxime Sirvins  • 19 mai 2025 abonné·es
Pologne, Portugal, Roumanie : la poussée de l’extrême droite en trois infographies
Trois infographies pour comprendre les scores inédits de l'extrême droite en Pologne, en Roumanie et au Portugal.
© Maxime Sirvins

Ce dimanche 18 mai, les électeurs de Pologne, de Roumanie et du Portugal se sont rendus aux urnes. Trois scrutins aux enjeux nationaux différents, présidentielle en Pologne et Roumanie, législatives anticipées au Portugal, mais une même tendance : la progression des forces d’extrême droite.

En Roumanie, l’extrême droite n’a jamais été aussi proche du pouvoir après une élection invalidée en 2024. Au Portugal, le parti d’extrême-droite, Chega ! (« Ça suffit ! », en français), a réalisé un score historique, redistribuant encore un peu plus les cartes du paysage politique du pays. En Pologne, le duel du second tour s’annonce tendu entre centriste et identitaire.

Pologne : un pays coupé en deux

Le premier tour de l’élection présidentielle polonaise a livré un verdict sans appel : le pays est profondément divisé. D’un côté, Rafał Trzaskowski, actuel maire de Varsovie, figure modérée de la plateforme civique (PO), proeuropéen assumé, est arrivé en tête avec 31 % des voix grâce à une coalition de plusieurs partis. De l’autre, Karol Nawrocki du parti nationaliste Droit et Justice (PiS), est crédité à presque 30 %.

Nous ne voulons pas des Juifs, des homosexuels, de l’avortement, des impôts et de l’Union européenne.

S. Mentzen

Depuis 2015, le PiS est déjà au pouvoir avec Andrzej Duda comme président de la Pologne. En troisième place, Sławomir Mentzen, encore plus extrême que Karol Nawrocki, obtient près de 15 %. Durant sa campagne, il avait déclaré : « Nous ne voulons pas des Juifs, des homosexuels, de l’avortement, des impôts et de l’Union européenne ». Enfin, la gauche ne totalise même pas 10 % des votes. 

Le second tour, prévu le 1er juin, s’annonce difficile alors que l’extrême comptabilise déjà plus de la moitié des voix au premier tour. Une victoire de Nawrocki emmènerait à la continuation d’une cohabitation hostile entre la présidence et le gouvernement libéral de Donald Tusk, premier ministre depuis décembre 2023. Cette situation ferait peser des risques de blocage institutionnel et de tensions accrues avec Bruxelles. La Commission européenne et la CEDH ont déjà condamné la Pologne sur son indépendance judiciaire et les droits LGBT.

Roumanie : victoire modérée, menace persistante

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En Roumanie, le second tour de l’élection présidentielle a permis à Nicușor Dan, maire de Bucarest et candidat indépendant soutenu par une coalition centriste, de conserver une courte avance face à l’extrême droite. Il l’emporte avec près de 54 % des voix, contre environ 46 % pour George Simion, leader du parti d’extrême-droite AUR (Alliance pour l’Union des Roumains) qui réalise un score historique. Lors des précédentes élections en 2019, l’extrême droite n’était pas arrivée à se qualifier au second tour. Même en 2024, lors des élections européennes de 2024, AUR n’avait pas dépassé les 15 %.


Cette élection fait suite à l’annulation du scrutin de 2024 par la Cour constitutionnelle, après des preuves d’ingérence russe et de désinformation massive. C’est dans ce contexte tendu que George Simion a réussi à se faire une place. Europhobe, proche d’Israël et admirateur de Donald Trump, il a su mobiliser une grande frange de l’électorat rural.

En Roumanie, le résultat montre que l’extrême droite n’est plus marginale dans le pays.

Dans la soirée, George Simion déclare sur X/Twitter être le nouveau président, avant de supprimer son message et de publier une vidéo où il reconnaît sa défaite électorale. Le résultat montre que l’extrême droite n’est plus marginale dans le pays, et qu’elle s’y est ancrée durablement comme dans de nombreux pays européens.

Portugal : Chega ! secoue le système

Le Portugal, longtemps considéré comme un bastion sans extrême-droite, a continué son basculement dimanche soir. Les élections législatives anticipées, convoquées après la chute du gouvernement en raison d’un scandale de corruption, ont débouché sur une affirmation de l’extrême-droite comme une des principales forces politiques du pays.

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La coalition de centre-droit Alliance démocratique (AD) de Luís Montenegro est arrivée en tête avec 32,1 % des voix et 89 sièges sur 230. Mais c’est bien Chega !, parti d’extrême droite mené par André Ventura, qui réalise la percée la plus spectaculaire de son histoire avec 58 députés, égalant le Parti socialiste (PS) en nombre de sièges. 

En 2024, Chega ! avait obtenu 50 sièges et seulement 12 en 2022. En deux ans, le parti d’extrême droite à donc multiplié sa présence à l’Assemblée de la République par presque cinq. La défaite du PS, la pire depuis 1987, a poussé son leader, Pedro Nuno Santos à la démission dès l’annonce des résultats alors que le parti, usé par des années de pouvoir, s’effrite encore un peu plus. Toutefois, Montenegro a exclu toute alliance avec Ventura, rendant la formation d’un gouvernement stable difficile.

Ces trois scrutins confirment une dynamique européenne où l’extrême droite ne se contente plus de troubler le jeu politique : elle en redéfinit les règles. Face à cette poussée, les partis traditionnels apparaissent fragilisés, voire dépassés par une montée toujours plus puissante de l’extrême droite.

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