Prisons : à droite, la surenchère répressive

Laurent Wauquiez, Gérald Darmanin et Gabriel Attal rivalisent d’idées toujours plus extrêmes pour tenter de capter un électorat radicalisé. Florilège.

Lucas Sarafian  • 7 mai 2025 abonné·es
Prisons : à droite, la surenchère répressive
Mur d'une prison française, à Villeneuve-les-Maguelone.
© Xavier Malafosse / Wikipédia CC BY-SA 1.0

1. Envoyer les OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon

Laurent Wauquiez a proposé le 8 avril dans le JDNews, le supplément magazine du Journal du dimanche, que « les étrangers dangereux sous OQTF (obligation de quitter le territoire français, N.D.L.R.) soient enfermés dans un centre de rétention à Saint-Pierre-et-Miquelon, hors de l’Hexagone ». Le retour du bagne ? L’idée rappelle le « Guantanamo à la française » défendu par Éric Ciotti en 2021. « C’est complètement lunaire, à des années-lumière des considérations des droits humains, balaie le député insoumis Ugo Bernalicis. Combien d’argent cela représente ? Que fait-on quand la personne gagne son recours ? Qu’en pensent les personnes qui habitent à Saint-Pierre-et-Miquelon ? Même le RN ne propose pas cela. Cette idée est symptomatique de cette macronie qui ouvre toutes les vannes vers l’extrême droite. »

Dire que les détenus ne paient rien est faux.

2. Faire payer les détenus

Gérald Darmanin souhaite instaurer une participation financière et journalière aux frais d’incarcération, selon une lettre ouverte rendue publique le 28 avril qu’a envoyée le ministre aux agents de l’administration pénitentiaire. Un tel dispositif existait jusqu’en 2003 : ceux qui avaient l’occasion de travailler en prison devaient s’acquitter d’une contribution financière. « C’est de la démagogie, réagit un conseiller parlementaire de gauche. Le ministre feint d’ignorer que de nombreux dispositifs payants existent déjà, comme l’accès à un téléphone ou des services de cantine. Et, souvent, les prix sont exorbitants. Dire que les détenus ne paient rien est faux. Et c’est ne pas considérer que 20 % de la population carcérale est indigente. » « Cette proposition aura pour conséquence de surendetter les détenus qui sont dans des situations de précarité économique et, de ce fait, cela rendra encore plus difficile la réinsertion et augmentera le risque de récidive », analyse Ugo Bernalicis.

Darmanin fait croire qu’être en prison, c’est être au Club Med.

S. Regol

3. En finir avec les « activités ludiques »

Le ministre de la Justice veut mettre fin à toutes ces « activités ludiques » qui ne concernent pas l’éducation, la langue française ou le sport en prison. Une décision prise par instruction, le 19 février, après une polémique sur un cours de danse country et des soins du visage prodigués à des détenus de la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses, selon La Dépêche. « L’objectif de la prison, c’est que les gens se réinsèrent et ne récidivent pas. Et ces activités font partie de cette mission : on sait que l’estime de soi joue beaucoup dans la capacité des personnes à se réinsérer, ces activités leur permettent d’exister et de se valoriser différemment », lâche Ugo Bernalicis. « C’est de la désinformation : Darmanin fait croire qu’être en prison, c’est être au Club Med, fustige la députée écologiste et vice-présidente de la commission des Lois Sandra Regol. Son idée revient à supprimer des activités qui permettraient pourtant de sortir les détenus de référentiels masculins. Il critique toutes les formes de sensibilité et de réflexion sur soi, il s’attaque au rapport à soi. »

Je suis prête à parier que ces nouvelles prisons vont être surpeuplées.

L. Balage El Mariky

4. Construire des prisons en préfabriqué pour les courtes peines

Gérald Darmanin veut construire des prisons « modulaires », en préfabriqué, pour 3 000 places supplémentaires destinées aux personnes condamnées à de courtes peines ou à des régimes de semi-liberté. Cette idée, annoncée le 14 avril, figurait aussi dans le programme d’Éric Ciotti en 2021. « Gérald Darmanin explique que ces prisons ‘modulaires’ sont des environnements plus humains pour des détenus qui doivent effectuer de courtes peines. C’est complètement faux : ce qui est plus humain, ce sont les peines aménagées ou les milieux plus ouverts, répond la députée écolo Léa Balage El Mariky. Gérald Darmanin ne répond toujours pas au problème de la surpopulation carcérale. Je suis prête à parier que ces nouvelles prisons vont être surpeuplées. »

Sur le même sujet : Coup de massue sur la justice des mineurs

5. Des centres éducatifs fermés inefficaces

L’ancien premier ministre Gabriel Attal ne fait pas exception dans la surenchère droitière. Le 9 juin, il a présenté sa proposition de loi durcissant la justice des mineurs qui vise à renforcer plus encore les centres éducatifs fermés (CEF), si chers à Emmanuel Macron, qui avait annoncé en 2018 la création de 22 CEF. L’idée, pour Attal et la droite, serait de permettre aux magistrats d’envoyer les plus « durs » des adolescents en CEF pour des séjours courts pour créer chez eux une sorte d’électrochoc, de prise de conscience. Pourtant, selon Mediapart, une évaluation inédite des CEF serait disponible mais que le ministère de la Justice refuse de diffuser. Et pour cause : l’étude révélerait que le taux de récidive post-sortie de CEF est extrêmement élevé. Pire : 10 % de ces adolescents finiraient en prison. Preuve que la prévention des risques de récidive ne fait vraiment pas partie de leur logiciel.

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