Il n’y a plus de vision universelle de l’État de droit
L’État de droit est fragilisé par des attaques politiques remettant en cause l’indépendance de la justice. Face à cette dérive, la défense des principes démocratiques devient urgente.

© Maxime Sirvins
L’État de droit est attaqué de toutes parts. Le 31 mars 2025, Marine Le Pen, après sa condamnation à quatre ans de prison, dont deux ferme, et cinq ans d’inéligibilité avec exécution immédiate, fustigeait une « décision politique » qui violerait l’État de droit. Selon les propres slogans du Rassemblement national, il faudrait pour « sauver la démocratie », « soutenir Marine ». L’inversion des valeurs est à ce point manifeste qu’elle en devient absurde, comme si nous étions confrontés à une réalité sans cesse redéfinie que nous devions malgré tout accepter.
Peu de voix se sont exprimées pour soutenir la justice et son indépendance. Ce silence est à la mesure de la perte d’une vision universelle de l’État de droit et de ses limites intangibles. Il ne semble plus y avoir aucune limite au populisme. Tout en se victimisant au nom de l’État de droit, de tels propos entretiennent les conditions politiques accélérant son démantèlement.
Il y a un assaut inédit contre l’État de droit à travers la contestation et la remise en cause de décisions de justice.
Plus grave encore, cette remise en cause de la justice n’est malheureusement pas l’apanage de l’extrême droite. Ce jeudi 15 mai, une proposition de loi relative à la raison impérative d’intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse a été adoptée, pour faire échec à la décision du tribunal administratif ordonnant l’arrêt du chantier de l’autoroute de l’A69.
Il ne s’agit que des derniers exemples en date de la tendance qui s’affermit d’un assaut inédit contre l’État de droit à travers la contestation et la remise en cause de décisions de justice. La situation est extrêmement grave car ces initiatives ne le modifient pas simplement, mais affectent sa substance même.
Il n’y a en définitive plus un État de droit que nous partagerions mais des États de droit, qui seraient fonction de nos convictions et des intérêts personnels politiques du moment. L’État de droit est pourtant censé incarner ce pluralisme pour garantir le vivre-ensemble et non pas, précisément, se morceler pour s’adapter à la diversité des opinions.
La perspective de l’élection présidentielle de 2027 est peu rassurante tant elle accentue cette dynamique portée par les idées de l’extrême droite. Cette dynamique est également aggravée par une déperdition, à l’échelle internationale, des valeurs inspirant le droit international. La persistance des crimes internationaux en Ukraine ou à Gaza affermit immanquablement l’idée que le nouvel ordre mondial qui se définit n’a cure du droit.
Il y a un assaut inédit contre l’État de droit à travers la contestation et la remise en cause de décisions de justice.
Face à la brutalité de ces attaques, la société civile, s’essouffle, voire renonce. Pourtant, il est bien question de notre patrimoine commun. Il est encore temps de lutter et, surtout, tant que cela reste possible. Il n’y a pas de résignation à avoir face à un système qui, pour répondre aux prétendues attentes d’une partie de l’opinion, entendrait nous engager sur la pente d’un renoncement durable affectant jusqu’à notre identité profonde.
Il se met progressivement en place un système qui nous pousse au repli individuel et va jusqu’à effacer l’opposabilité des droits et libertés, à plus forte raison lorsqu’ils seraient valables pour les autres.
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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