« On ne peut pas accepter de se faire réprimer alors qu’un génocide se passe sous nos yeux »

Anasse Kazib, porte-parole de Révolution permanente, est renvoyé devant la justice ce mercredi 18 juin pour « apologie du terrorisme ». Son organisation et lui comptent faire de ce procès un procès politique contre « ceux qui criminalisent les soutiens à la lutte palestinienne ».

Pierre Jequier-Zalc  • 16 juin 2025
Partager :
« On ne peut pas accepter de se faire réprimer alors qu’un génocide se passe sous nos yeux »
© Carol Sibony

Les noms sont prestigieux : Eugénie Mérieau, constitutionnaliste, Pierre Stambul, militant à l’UJFP, Rony Brauman, médecin, des historiens israéliens etc. Tous ont accepté de témoigner, ce mercredi 18 juin, au procès d’Anasse Kazib pour défendre le porte-parole de Révolution permanente accusé « d’apologie du terrorisme » pour un tweet soutenant la lutte palestinienne. Le militant dénonce une répression visant à bâillonner tous ceux qui dénoncent les massacres en cours dans la bande de Gaza. À deux jours de l’audience, celui qui envisage d’être candidat à l’élection présidentielle en 2027 se montre plus combatif que jamais et souhaite que ce procès devienne une tribune politique pour dénoncer ce qui se passe actuellement en Palestine et la criminalisation du soutien au peuple Palestinien.

Ce mercredi 18 juin, vous comparaîtrez devant le tribunal pour « apologie du terrorisme » suite à un tweet soutenant la lutte palestinienne après le 7 octobre 2023. Pouvez-vous nous expliquer cette accusation ?

Anasse Kazib : C’est une association opaque, proche de l’extrême droite, La jeunesse Française juive, qui a porté plainte contre 41 personnalités – très essentiellement de gauches – dont moi. Cette association est soutenue par des personnalités ouvertement réactionnaires voire d’extrême droite, comme l’avocat d’Éric Zemmour ou Sarah Saldmann. Quand on regarde dans le détail ce que cette association publie sur les réseaux sociaux, c’est particulièrement inquiétant : ils comparent le drapeau palestinien et le drapeau nazi, ils expliquent que Dominique De Villepin ou Médecins sans frontières sont liés à des organisations terroristes. Ils accusent même Emmanuel Macron de mettre une cible sur le dos des juifs de France ! Donc ce sont clairement des sionistes d’extrême droite qui refusent toute critique d’Israël et tentent de bâillonner la dénonciation du massacre en cours en Palestine.

Sur le même sujet : Criminalisation de la solidarité avec Gaza : pour la relaxe d’Anasse Kazib et de tous les soutiens de la Palestine

Ce qui est plus choquant, c’est que la police et la justice aient décidé de s’emparer de cela. Le dossier pénal fait 400 pages ! Pour un tweet. Ils ont cherché des renseignements sur ma famille, auprès de la sécurité sociale, auprès de mon employeur. Ils ont épluché mes réseaux sociaux pour ressortir des positions politiques que j’avais prises suite à la mort de Nahel. Et tout ça sert la criminalisation du soutien à la Palestine.

Révolution permanente, l’organisation politique dont vous êtes le porte-parole, a annoncé vouloir adopter une « défense politique » lors de ce procès. Qu’est-ce que cela veut dire ?

L’objectif c’est de retourner l’accusation : on veut que ce procès devienne celui de ceux qui criminalisent les soutiens à la lutte palestinienne. J’ai la chance d’appartenir à deux organisations (Sud Rail et Révolution permanente, N.D.L.R.) mais la grande majorité des personnes réprimées sont lambda et ne sont pas accompagnées. Donc on veut que ce procès envoie le message que notre force, c’est la solidarité, la fraternité. On doit faire de ce procès une école de guerre. Vous voulez nous attaquer sur nos positions politiques ? Très bien, mais on ne restera pas à se faire réprimer dans l’anonymat. On va montrer l’aspect politique des choses et on va s’en servir comme une tribune politique. Notre but c’est de mettre en exergue l’antagonisme entre les discours larmoyants d’Emmanuel Macron sur les enfants amputés à Gaza, la famine organisée par Israël alors qu’on me réprime pour un soutien élémentaire à la Palestine.

Sur le même sujet : Génocide dans la bande de Gaza : le temps de la justice

Il est hors de question de courber l’échine. On va se battre.

On ne veut pas banaliser ce procès. Il est hors de question de courber l’échine. On va se battre. Au vu du génocide et des massacres qui continuent à l’heure où nous nous parlons, on ne peut pas capituler par tranquillité. On ne peut pas accepter de se taire et de se faire réprimer alors qu’un génocide se passe en 4K sous nos yeux.

Comment comptez-vous donner cette dimension politique à ce procès ?

Ça, c’est le formidable travail de mes avocates : des avocates révolutionnaires qui savent ce qu’elles font. De nombreuses personnalités vont venir témoigner. Entre autres, Eugénie Mérieau, constitutionnaliste, Pierre Stambul, militant à l’UJFP, Rony Brauman, médecin, mais aussi des historiens israéliens, des journalistes et des politistes.

On veut clairement dire que le génocide en cours ne se fera pas sans bruit ni contestation.

Ces intellectuels vont nous aider à retourner l’accusation. On refuse d’axer seulement notre défense sur la liberté d’expression comme si le massacre du peuple palestinien était juste une toile de fond. On veut clairement dire que le génocide en cours ne se fera pas sans bruit ni contestation. Notre défense, offensive, veut démontrer une chose : me condamner, c’est donner raison au récit qui dit qu’il n’y a ni massacre ni génocide en cours à Gaza. Or, il faut éviter ça à tout prix car ce serait une défaite terrible pour notre camp. Cela fera jurisprudence et permettra, ensuite, de s’attaquer à plus gros que moi.

Que répondez-vous aux accusations récurrentes d’antisémitisme dont les soutiens du peuple palestinien font l’objet depuis le 7 octobre 2023 ?

Personnellement, je ne suis pas accusé d’antisémitisme, mais d’apologie du terrorisme. Bien évidemment cette accusation sous-tend le récit des gens qui ont porté plainte contre moi. Mais je ne veux pas me contenter de dire cela. Je suis un militant contre l’antisémitisme, par mon histoire – plusieurs membres de ma famille ont fait la guerre contre le nazisme – et par mes convictions qui luttent contre l’antisémitisme et contre toutes les formes de barbarie. En aucun cas, dénoncer le sionisme et les massacres en cours en Palestine ne sont de l’antisémitisme. C’est la politique de Netanyahou qui cherche à assimiler cela pour justifier le génocide d’un peuple. On ne peut pas l’accepter, il faut lutter contre cela.

En aucun cas, dénoncer le sionisme et les massacres en cours en Palestine ne sont de l’antisémitisme.

En 2022, vous aviez essayé d’être candidat à l’élection présidentielle, échouant à recueillir assez de parrainages. Votre organisation, grandissante, aimerait, en 2027, réussir à présenter un candidat. Craignez-vous d’être condamné à de l’inéligibilité ?

Oui, c’est quelque chose qu’on peut redouter. Je n’ai pas d’ambitions personnelles, je suis le porte-parole de mon organisation politique donc je suis potentiellement le candidat le plus solide pour 2027. Mais là n’est pas la question. Si je suis condamné à de l’inéligibilité pour un tweet, il faudra que tout le monde s’inquiète. Parce que la question ce ne sera pas d’être d’accord avec moi politiquement, mais bien une défense des libertés les plus élémentaires. Si, en 2025, le porte-parole d’une organisation politique est interdit de se présenter à une élection présidentielle pour un tweet contre un génocide, ce serait extrêmement grave.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Expulsion forcée des Roms à Villeron : six habitants, dont le maire, devant le tribunal
Enquête 16 juin 2025 abonné·es

Expulsion forcée des Roms à Villeron : six habitants, dont le maire, devant le tribunal

Six habitants de cette commune du Val-d’Oise, dont le maire, sont aujourd’hui jugés devant le tribunal correctionnel de Pontoise pour « voie de fait, destruction de biens et violences à caractère raciste ». En février 2023, ils avaient participé à une manifestation violente pour expulser des Roms, installés dans le bois de la commune.
Par Pauline Migevant
Terrorisme d’extrême droite : la mémoire lacunaire des prévenus d’AFO
Extrême droite 13 juin 2025 abonné·es

Terrorisme d’extrême droite : la mémoire lacunaire des prévenus d’AFO

Malgré une procédure d’instruction établissant les projets violents de ce groupe visant la communauté musulmane, les premiers prévenus ont affirmé n’avoir jamais cru aux projets d’attentats, ou de ne pas en avoir eu connaissance. Une forme de légèreté dérangeante.
Par Pauline Migevant
Génocide dans la bande de Gaza : le temps de la justice
Justice 11 juin 2025 abonné·es

Génocide dans la bande de Gaza : le temps de la justice

Ces derniers jours, une Française a déposé plainte contre Israël, et une information judiciaire a également été ouverte par le parquet national antiterroriste contre des Franco-Israéliens. Ces procédures ne stopperont pas le génocide en cours mais elles participent à briser un lourd silence.
Par Céline Martelet
Empoisonner les musulmans, tuer des imams… 16 militants du groupe d’extrême droite AFO devant la justice
Terrorisme 9 juin 2025 abonné·es

Empoisonner les musulmans, tuer des imams… 16 militants du groupe d’extrême droite AFO devant la justice

Mardi 10 juin, 16 membres de l’Action des forces opérationnelles (AFO) seront jugés au tribunal correctionnel de Paris. Parmi leurs projets : tuer 200 imams, attaquer des mosquées, empoisonner de la nourriture halal.
Par Pauline Migevant