Pour son premier congrès, « L’Après » d’Autain, Corbière, Simonnet et Garrido rêve encore d’union

Ces 21 et 22 juin à Paris, l’agrégat des « purgés » de La France insoumise s’est structuré pour plaider, en chœur, au rassemblement de toute la gauche et une candidature commune en 2027. Une petite respiration unitaire au milieu des guerres hégémoniques.

Lucas Sarafian  • 23 juin 2025 abonné·es
Pour son premier congrès, « L’Après » d’Autain, Corbière, Simonnet et Garrido rêve encore d’union
Au Solaris, une salle de spectacle style art déco des années 1920, quelque 200 personnes ont entendu les "purgés" de LFI appeler à l'union de la gauche.
© Lucas Sarafian

Un petit anniversaire. Au deuxième étage du 25 de la rue Boyer, dans le 20e arrondissement de Paris, des affiches violettes arborant six lettres : « L’Après ». La petite association politique de Clémentine Autain, de Raquel Garrido, de Danielle Simonnet et d’Alexis Corbière, ces anciens insoumis « purgés » par la direction mélenchoniste lors des législatives 2024, tient ce 21 et 22 juin le premier congrès de sa courte histoire, un peu plus d’un an après son lancement. Mot d’ordre : « Halte aux feux à gauche », selon Corbière.

Au Solaris, une salle de spectacle style art déco des années 1920, anciennement connue sous le nom de « salle Lénine », une vingtaine de tables et un peu moins de 200 personnes. Dans l’assemblée, militants et élus locaux se mêlent aux figures unitaires ce 21 et 22 juin. Parmi eux, les anciens insoumis Alexis Corbière, Hendrik Davi, Danielle Simonnet, Clémentine Autain, Raquel Garrido, l’ex-socialiste Gérard Filoche et l’ancien du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) Pierre-François Grond. François Ruffin et ses proches manquent à l’appel.

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Mais peu importe, les membres de cette association sans aucun permanent gardent la ligne : défendre l’union de la gauche coûte que coûte. « On est face à, d’un côté Jean-Luc Mélenchon et de l’autre Raphaël Glucksmann, la volonté de rejouer le match des deux gauches irréconciliables, considère Danielle Simonnet lors des discussions ce 21 juin. Notre raison d’être est de faire en sorte de changer le cours de l’histoire. »

« Rien n’est écrit »

Autain, Corbière, Garrido, Simonnet et compagnie veulent mettre fin à la fable qui raconterait que la présence de plusieurs candidats de gauche sur la ligne de départ en 2027 ne serait pas vraiment un problème. Et même s’ils n’ont pas encore trouvé la recette miracle pour stopper les guerres intestines à gauche, ils ne perdent pas espoir. « Rien n’est écrit. Le pire est possible. Mais on le sait : il y a une aspiration profonde à l’unité, croit Alexis Corbière. L’union est un combat. Donc il faut que nous soyons quelque chose qui soit autre chose que Clémentine, Hendrik, Danielle… Il faut être dans tout le pays, de toutes les luttes sociales et contre l’extrême droite, il faut que L’Après existe partout. »

Nous devons mettre toutes nos forces dans la construction d’une dynamique pluraliste et unitaire à gauche.

En attendant, l’Après trace son sillon. L’ association s’est rassemblée avec la Gauche démocratique et sociale, la petite organisation de Filoche, et Ensemble, l’agrégat de formations de gauche radicale et unitaire né en 2013 au sein du Front du gauche. Désormais, L’Après vise un rapprochement avec Génération.s et Picardie debout !, le parti de Ruffin. Les trois petites organisations tiendront ensemble une université d’été des unitaires à la fin du mois d’août à Châteaudun (Eure-et-Loir).

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L’objectif est assumé : créer un pôle unitaire au milieu des grandes chapelles de la gauche française. L’Après se voit ainsi comme la première brique d’un bloc plus large. Le texte d’orientation stratégique de la petite association l’exprime clairement : « Nous devons mettre toutes nos forces dans la construction d’une dynamique pluraliste et unitaire à gauche […]. Les partis n’y suffiront pas s’ils ne sont pas portés par une puissante dynamique populaire et citoyenne sur tout le territoire national adossée à un dispositif permettant de construire une candidature commune à l’élection présidentielle. »

Signaux faibles

En haut de la rue de Ménilmontant, tous sont convaincus que l’union de la gauche n’est pas une idée morte dans le pays. Ils s’appuient tous sur un ensemble de signaux faibles, comme la contre-manifestation antifasciste du 9 juin à Montargis ou l’initiative « La Digue » lancée par le député Pouria Amirshahi (ancien directeur de la rédaction de Politis). « Nous sommes majoritaires culturellement à gauche sur l’enjeu d’une candidature unique », assure Simonnet.

Mais dans le paysage politique de gauche, rares sont ceux qui plaident aujourd’hui pour la réunification de l’ensemble des composantes de la gauche, des anticapitalistes aux sociaux-démocrates. « Dans le contexte de ce risque de l’accession au pouvoir de l’extrême droite, la noblesse de la politique, c’est d’être capable de s’unifier avec des forces politiques avec lesquelles nous avons des désaccords », explique Raquel Garrido.

Il est temps de sortir du rêve toxique du sauveur suprême, de l’homme providentiel.

R. Garrido

Un cri dans le désert ? Pour écouter les prises de parole conclusives du lendemain, le 22 juin, les communistes Elsa Faucillon, Igor Zamichiei et Patrice Leclerc, la coordinatrice nationale de Génération.s Hella Kribi-Romdhane, la coordinatrice nationale des Jeunes de Génération.s Auriane Dupuy et des membres de Victoires populaires ont fait le déplacement. Devant la petite foule, Raquel Garrido lâche : « Il est temps de sortir du rêve toxique du sauveur suprême, de l’homme providentiel. Le caractère choral, divers, pluriel du Nouveau Front populaire nous l’impose et c’est tant mieux. C’est en mettant en avant une équipe que nous sommes attractifs, que nous sommes moteurs. »

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Déjà « candidate à la candidature », Clémentine Autain veut croire que les 9 millions d’électeurs qui se sont mobilisés pour le Nouveau Front populaire (NFP) en juillet 2024, au moment où l’extrême droite était au plus haut, ne se sont pas soudainement évaporés : « Chacun a repris ses billes et on est dans une espèce de jeu des deux gauches prétendues irréconciliables. C’est vraiment délétère, c’est de la folie. Mais à partir du moment où on relance la dynamique, où on dit “maintenant, on arrête les conneries”, il y a une disponibilité immense dans le pays. Il ne faut pas intérioriser une forme d’esprit de défaite. »

Compte à rebours

À la tribune, Alexis Corbière pense à un homme : François Delapierre, fondateur du Parti de gauche, force intellectuelle importante de la gauche de la gauche, éminence grise de Jean-Luc Mélenchon, décédé le 20 juin 2015. Le député de Seine-Saint-Denis cite un texte de « Delap’ », La gauche d’après : « Cette force nouvelle sera unitaire, elle contribuera à l’union des gauches, toutes les gauches. »

Convaincu que l’union de la gauche n’est pas simplement une ligne stratégique, Corbière voit l’unité comme le seul moyen de vaincre l’extrême droite au second tour de 2027 : « Cela fait deux fois qu’ils sont au second tour. Je propose que les stratégies que nous utilisons pour l’avenir ne soient pas les mêmes que la période précédente. Faire de la politique, ce n’est pas répéter en permanence le même programme en toute situation. »

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Sur scène pendant une quarantaine de minutes, l’ex-insoumis profite du moment pour griffer les deux hommes qui refusent d’entrer dans un processus commun pour la présidentielle. À Raphaël Glucksmann, il lance : « Quand tu dis “ni Jupiter, ni Robespierre”, on entend “ni populaire, ni unitaire” ». » À Jean-Luc Mélenchon, il pique : « Bétonner un socle au premier tour quand ça a pour conséquence immédiate et mécanique de bétonner un plafond pour le second tour n’est pas une stratégie qui marche. Il ne s’agit pas d’être uniquement porteur de la radicalité, mais il s’agit d’entraîner l’ensemble d’un pays pour pouvoir à l’arrivée l’emporter au second tour. »

On s’en fout de savoir qui aura la plus belle tombe du cimetière électoral de la gauche.

A. Corbière

Le compte à rebours est lancé. « Le Nouveau Front populaire s’est fait en 4 jours, il nous reste 670 jours avant le premier tour. Donc on a 167 fois plus de temps pour y arriver. » Une façon mathématique de se convaincre que la perspective de l’unité est toujours à l’horizon. « On s’en fout de savoir qui aura la plus belle tombe du cimetière électoral de la gauche. Ce n’est pas l’enjeu. L’enjeu, c’est de savoir qui aura les plus belles fleurs du grand jardin de l’unité », d’après Corbière. Le reste de la gauche comprendra-t-elle cette image florale ?

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