« Ça se relit », épisode 2 : Marine Tondelier et Severn Cullis-Suzuki

Cet été, Politis demande à de nombreuses femmes de gauche un discours à découvrir… ou redécouvrir. Pour ce deuxième épisode, Marine Tondelier lit Severn Cullis-Suzuki, militante écologiste canadienne.

Marine Tondelier  • 23 juillet 2025
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« Ça se relit », épisode 2 : Marine Tondelier et Severn Cullis-Suzuki
Marine Tondelier et Severn Cullis-Suzuki
© Montage Vanessa Martineau pour Politis / AFP/JOEL SAGET pour Marine Tondelier / Nick Wiebe (CC BY 2.5) sur Wikipédia pour Severn Cullis-Suzuki.

J’avais 6 ans en 1992. Cette année restera pour moi celle où, à Rio, au dernier jour du Sommet de la Terre, une jeune fille de 12 ans, Severn Cullis-Suzuki, a prononcé un discours qui a sidéré l’assemblée ; un discours qui m’accompagne encore aujourd’hui dans mon engagement et mes combats.

Plus encore que relire le texte de son intervention, il faut revoir les images et les visages de son auditoire mondial. Severn parle une langue que la politique a oubliée : une langue directe, claire, authentique. Une langue que je m’acharne à utiliser, n’en déplaise aux conservateurs de tous poils. Un discours sans « en même temps », sans langue de bois, sans mots creux – tous ces maux qui mettent les gens à distance.

Cette jeune fille parle avec force et sincérité, mais elle ne hurle pas, elle n’insulte personne. Avec une simplicité confondante, elle nous renvoie à des principes élémentaires : respecter, partager, ne pas détruire le vivant ; ces mêmes règles que nous jugeons essentiel d’enseigner à nos enfants, mais apparemment trop naïves pour guider nos politiques.

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Du haut de ses 12 ans, Severn avait vu, compris, dit. Ils ne l’ont pas entendue. Réécouter ce discours en 2025 peut être déprimant. Les forêts qu’elle craignait de voir disparaître s’effacent par millions d’hectares chaque année. Les espèces s’éteignent à un rythme 10 à 100 fois plus élevé que lors des cinq extinctions précédentes. Le climat s’emballe. Les inégalités se creusent. Comment ne pas ressentir de la tristesse, de la colère ?

Il faut pourtant refuser le désespoir et prendre le chemin de la contre-attaque. Dans son discours, Severn évoquait sa peur du trou dans la couche d’ozone. Aujourd’hui, ce problème est largement résolu. Pourquoi ? Parce que sur ce point nous avons su « agir comme un seul monde », adopter le protocole de Montréal, interdire les substances nocives. Ce que nous avons fait pour l’ozone, nous pouvons – nous devons – le faire pour le climat et la biodiversité, même si ces enjeux sont beaucoup plus complexes et l’inertie bien plus grande.

À 12 ans, Severn articule parfaitement l’indissociabilité des crises. Des enfants des rues de Rio au partage des richesses, de la guerre à la destruction du vivant, elle saisit et décrit que tout forme système. Le dérèglement climatique frappe d’abord les plus vulnérables ; la raréfaction des ressources alimente les conflits ; les inégalités aggravent la crise écologique. Ma conviction est que seule l’écologie politique embrasse l’ensemble et permet de construire un monde plus juste, une terre plus verte et une vie plus agréable pour chacune et chacun.


Le discours de Severn Cullis-Suzuki au sommet de Rio, en 1992.
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