Un plan d’austérité injuste et excessif
Le plan d’ajustement de 44 milliards prévu par le gouvernement Bayrou plombera la reprise et ne réduira en aucun cas le taux d’endettement public.
dans l’hebdo N° 1877 Acheter ce numéro

© Maxime Sirvins
Le plan d’austérité annoncé par François Bayrou est injuste car les mesures prévues épargnent les milliardaires et culpabilisent les salariés, accusés de préférer le loisir et de profiter d’un modèle social trop généreux. En « année blanche », elles réduiront le niveau de vie des plus démunis et des classes moyennes inférieures, tout en sacrifiant l’écologie et les services publics.
Comme le montre l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ce n’est pas une inflation de dépenses publiques (celles-ci évoluant désormais à un rythme inférieur à celui du PIB) qui explique la persistance du taux d’endettement public à un niveau élevé, mais les choix fiscaux réalisés depuis 2017. Dès lors, une taxation des hauts revenus et des hauts patrimoines se serait avérée triplement appropriée.
L’effort demandé est excessif car il engendrera des effets récessifs, alors que le chômage repart à la hausse.
1) Elle se justifie du point de vue de la justice fiscale, en faisant participer les citoyens à la solidarité nationale selon leurs facultés contributives. Il faudrait pour cela rendre progressive la flat tax sur les revenus du capital ou les réintégrer dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. Cela nécessite ensuite de créer un impôt sur le patrimoine du type taxe Zucman, touchant véritablement les milliardaires (leur richesse n’était pas fondamentalement taxée par l’ancien ISF, en raison d’une niche fiscale définissant les titres détenus par leurs holdings financières comme des biens professionnels).
2) Ces mesures seraient de nature à redonner des marges de manœuvre pour l’action publique, à l’heure où la lutte contre les inégalités, la transition écologique et la mise en place d’une défense commune européenne nécessitent des engagements publics massifs.
3) En taxant les riches, dont la propension à consommer est plus faible, et en allégeant le fardeau pesant sur les classes modestes, dont la propension à consommer leur revenu est forte, ces mesures accroîtraient l’effet multiplicateur des politiques budgétaires (effet mesurant l’impact de la dépense publique sur le PIB).
À cet égard, l’effort demandé est également excessif car il engendrera des effets récessifs, alors que le chômage repart à la hausse. Les travaux récents du FMI montrent que des plans d’ajustement aussi importants ne peuvent aboutir qu’en haut du cycle, alors que ceux appliqués lorsque la conjoncture se dégrade échouent. Par exemple, l’Italie de Georgia Meloni, citée pour sa vertu budgétaire (un déficit de 3,4 % en 2024), voit son endettement grimper à un taux record de 135 % du PIB, car l’ajustement budgétaire a tué la croissance et amenuisé les recettes fiscales induites, nécessaires au désendettement.
La bonne politique serait d’appliquer des politiques anticycliques.
La bonne politique serait donc d’appliquer des politiques anticycliques. Celles-ci consistent à soutenir la reprise lorsque l’économie est en bas du cycle, quitte à accepter un déficit public plus important, et à réaliser les ajustements nécessaires lorsque le plein-emploi est en vue. Comme le pensent les keynésiens, le multiplicateur budgétaire est en effet endogène au cycle : il est fort lorsque le chômage est élevé et se réduit à mesure que l’économie retrouve son rythme de croisière.
Parce que nous plongeons vers le bas du cycle, un plan d’ajustement de 44 milliards s’avère donc inadapté. Il va bien au-delà de ce qu’imposent les nouveaux textes européens, il plombera la reprise et ne réduira en aucun cas le taux d’endettement public.
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