« Cavalier seul » : deux filmeurs en tête-à-tête
Yves Jeuland signe un portrait d’Alain Cavalier pour la télévision.
dans l’hebdo N° 1881 Acheter ce numéro

Cavalier seul /Yves Jeuland / 1 h 15 / à voir sur arte.tv.
Yves Jeuland a longtemps porté sa caméra vers la politique et les politiques (Georges Frêche, François Hollande…). Depuis quelques années, il fait aussi des films sur le cinéma, sur des comédiens notamment (Piccoli, Montand, Trintignant…). En la personne d’Alain Cavalier, cinéaste bien connu, mais aussi président de la République dans le film que celui-ci a réalisé avec Vincent Lindon, Pater (2011), il a (presque) réuni ses deux pôles d’intérêt. Même si, dans Cavalier seul, disponible sur le site d’Arte, il n’est prononcé aucun mot sur la politique – on notera sur les murs de l’atelier du cinéaste la présence d’une affiche d’une ancienne campagne présidentielle d’Olivier Besancenot, présence dont il ne sera pas question.
En revanche, beaucoup d’autres objets contenus dans cette caverne lumineuse seront évoqués : tout le tournage d’Yves Jeuland s’y est en effet déroulé, en cinq rencontres espacées dans le temps, entre 2019 et 2023. Voici donc un portrait d’Alain Cavalier, un peu à la manière de celui-ci, effectué avec une petite caméra à la main, en immersion dans son lieu de création.
Comme au seuil d’un matin neuf
Un portrait du cinéaste avant tout, mais, comme il le dit lui-même, le cinéma a été sa vie, et depuis longtemps maintenant, c’est-à-dire 1996 et son film La Rencontre, c’est souvent sa vie qu’il raconte. Il explique très bien son cheminement devant les photos de Catherine Deneuve et de Romy Schneider, qui ont été ses actrices dans deux films de ses débuts quand il faisait du cinéma conventionnel, comment il en est arrivé à abandonner la fiction pour se tourner vers le réel.
Un réel gorgé d’imagination : à côté d’objets classiques – des classeurs, des agendas –, le cinéaste a réuni une pastèque séchée, des boîtes de conserve vides ou de multiples feuilles mortes qu’il a sauvées de la disparition, dont il parle avec la fantaisie d’un enfant de 90 ans. Sans doute est-ce une nécessité chez lui pour contrebalancer des souvenirs plus sombres. Il en raconte un, en particulier : la vision d’une femme nue et tondue à la Libération, qui aujourd’hui lui est toujours insupportable. Le film s’achève alors qu’Alain Cavalier a décidé de faire enlever tout ce qui l’entoure. Pour se défaire de la pesanteur des archives, et recommencer comme au seuil d’un matin neuf…
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