Lever l’ancre pour que le monde se lève

Pour briser le blocus humanitaire à Gaza, les ressortissant·es français·es à bord des bateaux de la Global Sumud Flotilla appellent la population à faire pression sur le gouvernement.

Collectif  • 28 septembre 2025
Partager :
Lever l’ancre pour que le monde se lève
Au rassemblement, à Paris, en soutien à Gaza et à l'arrestation de la Flottille de la liberté par Israël.
© Maxime Sirvins

Nous avons pris la mer parce que nous n’avions pas le choix. Gouvernements muets quand ils ne sont pas complices, marche terrestre vers Gaza réprimée, mouvements populaires censurés. Nous trouverons toujours de nouvelles voies. N’avez-vous donc pas entendu la force de notre amour pour nos frères et sœurs de Palestine ?

Nous sommes de simples êtres humains qui voguons vers un peuple massacré, pour lui dire qu’il n’est pas seul. Et que notre unique véritable identité, c’est cette humanité qui nous relie. Nous sommes de tous âges, de 25 à 70 ans, et de toutes les professions : médecin retraité, infirmière, députée, militante pour les droits humains, chauffeur de taxi, actrice ou encore documentariste.

Il n’y a ni héros ni héroïnes sur nos bateaux. Il y a des cœurs remplis de solidarité et d’espoir.

Nous venons de dizaines de lieux différents en France : de La Réunion à Paris, en passant par Nice, Brest, Rennes, Marseille ou Besançon. Et certain·es d’entre nous sont issu·es de l’immigration postcoloniale. Nos convictions politiques et religieuses sont plurielles.

Sur le même sujet : « Une escorte mondiale de la flottille serait un symbole très fort »

Il n’y a ni héros ni héroïnes sur nos bateaux. Il y a des cœurs remplis de solidarité et d’espoir. De la colère et de la tristesse aussi. Mais une détermination féroce. À faire ce que nous estimons être le strict minimum. À renouer avec notre humanité et à montrer la puissance de la solidarité internationale.

Le choix de la non-violence

Nous ne sommes pas des sauveur·ses du peuple palestinien. Nous nous levons face à une oppression que nos États refusent de nommer et de sanctionner. Nous nous levons pour le respect des droits humains et du plus fondamental de tous : le droit à la vie. Nous voulons vivre dans un monde meilleur, plus juste, plus équitable et en paix.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous

Nos bateaux ne transportent pas d’armes. Ils transportent du lait infantile, des vivres et du matériel médical, notre humanité et notre soutien. Sans renier en aucun cas le droit des peuples opprimés à choisir leurs modes de résistance, nous avons fait le choix, depuis nos places privilégiées de citoyen·nes libres, de la non-violence.

Nous nous levons pour le respect des droits humains et du plus fondamental de tous.

Cette non-violence met au grand jour l’absence totale de limite d’une entité coloniale et génocidaire soutenue par de grandes puissances étatiques et militaires. Et pourquoi s’imposerait-elle la moindre limite puisqu’elle jouit de l’impunité la plus totale ?

Sur le même sujet : « Si on est arrêtés, on fera une grève de la faim »

Après un mois de traversée, nous atteignons aujourd’hui une étape décisive. Déjà trois attaques contre notre flottille, touchant plus de quinze bateaux au total, à coups d’explosifs ou de produits incendiaires. Les menaces de couler certains navires, voire d’assassiner des membres des équipages, grondent de plus en plus fort. Et six nuits nous séparent encore de Gaza.

Nous avons pleinement conscience des risques que nous prenons. Ils sont immenses. Nous avons déjà expérimenté les attaques par drone. Nous savons que nous risquons la prison. D’être détenu·es sous l’accusation de terrorisme. Nous savons qu’« Israël » est capable de la pire escalade de la violence et que notre vie est en jeu. Nous nous savons vulnérables. Et comment pourrait-il en être autrement lorsque nous, simples citoyen·nes, faisons ce que les autorités françaises refusent de faire face à une entité génocidaire ?

Mais nous savons que le risque de ne rien faire est plus grand encore : un peuple pourrait disparaître demain. Bien sûr, certain·es d’entre nous ressentent parfois la peur. Mais la peur de vivre dans un monde qui tolère l’inhumain est plus grande encore. Et face à l’horreur infligée au peuple palestinien, nous savons que ces risques restent relatifs et passagers.

Protéger la flottille

Nous avons plus que jamais besoin de vous. De votre force, de votre courage et de votre détermination. Nous, qui nous considérons avant tout citoyen·nes du monde, mais qui sommes aussi des ressortissant·es français·es, vous appelons à vous lever.

Sur le même sujet : La France reconnaît l’État de Palestine mais continue de réprimer ses soutiens

Il ne s’agit pas de river son regard sur la flottille. Il s’agit de protéger la flottille pour qu’elle continue à braquer les yeux du monde sur la Palestine. Il ne s’agit pas de nous protéger, nous, quelques dizaines de ressortissant·es français·es. Il s’agit de nous permettre de mener à bien notre mission pour que le nettoyage ethnique du peuple palestinien cesse. Avant qu’il ne soit trop tard.

La reconnaissance de l’État de Palestine ne doit pas nous endormir : elle est dénuée de sens si elle ne s’accompagne pas d’un embargo total sur l’exportation des composants militaires par la France, d’une ouverture immédiate du corridor humanitaire et de véritables sanctions contre l’entité qui vient d’amorcer la dernière phase du génocide. Sinon, il n’y aura bientôt plus de peuple palestinien.

Nous pouvons tant faire encore. Imaginez si seulement quelques gouvernements décidaient d’agir ? Ne lâchons rien.

Nous nous dirigeons vers Gaza avec la plus grande humilité. En soutien à un peuple dont le courage, la résistance, la force de vie et l’espoir sont une leçon d’humanité. Nous faisons ce qui est en notre pouvoir pour qu’il ait les moyens de survivre.

Sur le même sujet : Enfermés, relâchés, expulsés : en France, des Palestiniens dans la machine administrative

Regardez ce dont nous sommes capables, toutes et tous ensemble, en l’espace de quelques semaines. Nous pouvons tant faire encore. Imaginez si seulement quelques gouvernements décidaient d’agir ? Ne lâchons rien. Pour briser le blocus illégal imposé par « Israël » à Gaza depuis 2007. Pour briser le silence meurtrier.

Ce n’est pas une action naïve ou idéaliste. En 2008, deux bateaux avec 44 personnes de 17 pays différents avaient brisé le siège. Depuis cette date, 37 bateaux ont pris la mer vers Gaza. Le 31 août, le Global Sumud Flotilla a à son tour levé les voiles. Nous sommes désormais plus de 50 bateaux. Le 27 septembre, c’est l’initiative Thousands of Madleen qui lève l’ancre… Nous sommes des centaines en mer. Des centaines de milliers sur terre. Nous soutiendrons le peuple palestinien jusqu’à sa libération. Et à sa libération succédera celle de tous les peuples en résistance.

Nous savons que nous ne sommes pas seul·es. Nous sommes du côté du juste, du droit international. Inondez les rues, boycottez les entreprises complices des colonies et du génocide, faites pression sur le gouvernement par tous les moyens. Nous ne sommes pas impuissant·es. Nous sommes des centaines de milliers. Face à un système colonial, capitaliste, classiste, raciste et patriarcal, qui cherche à nous convaincre que nous n’avons pas le temps pour la fraternité et la sororité, c’est l’union qui fait notre force.

Tout Politis dans votre boîte email avec nos newsletters !

Signataires

  • Malika BAOUYA (Capten Nikos)
  • Mohamed Ali BELKAID (Le Spectre – Tiberias)
  • Adrien BERTHEL (Inana)
  • Mustafa CAKICI (Capten Nikos)
  • Cédric CAUBÈRE (Wahoo)
  • Amel CHARFI (Johnny M)
  • Meriem CHIKH (All in)
  • Lucie FOUQUET (Ahed Tamimi)
  • Emma FOURREAU (Alma)
  • Noé GAUCHARD (Estrella y Manuel)
  • Thomas GUENOLE (Aurora)
  • Yacine HAFFAF (Jeannot III)
  • Jules JASSEF (Mango)
  • Justine KEMPF (Asser & Aysse)
  • Olfa LAMLOUM (Johnny M)
  • Brahim MARZOUK (Alma)
  • Marie MESMEUR (Sirius-Haifa)
  • Fiona MISCHEL (Yulara)
  • Prune MISSOFFE (Le Spectre – Tiberias)
  • Leslie NAVARINO (Florida)
  • Enzo PIANETTI (Sirius-Haifa)
  • François PIQUEMAL (Asser et Ayssel)
  • Frank ROMANO (Le Spectre – Tiberias)
  • Mahé SERY DE MEZIERES OLIVA (Selvaggia)
  • Joëlle TISCHHAUSER (Inana)
  • Emilien URBACH (MiaMia)
Publié dans
Tribunes

Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.

Temps de lecture : 6 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don