Nadav Lapid n’essentialise pas les Israéliens
Retour sur une émission de « C ce soir » au cours de laquelle le cinéaste a dû faire face à une accusation erronée.

© C ce soir / France Télévisions
Nadav Lapid, convié le 16 septembre dans l’émission « C ce soir » (1), animée par Karim Rissouli, alors que son nouveau film, Oui, sortait sur les écrans, a été en butte à une critique qui n’a pas été suffisamment remarquée alors qu’elle avait valeur d’accusation et cherchait à disqualifier l’ensemble de son propos.
L’émission est visible dans son intégralité sur le site de France 5 jusqu’au 16 octobre, voir ici.
« Vous essentialisez les Israéliens ! » : voilà ce qu’on a entendu à plusieurs reprises dans la bouche de ses contradicteurs, majoritaires en nombre sur le plateau. Le cinéaste israélien essentialiserait ses compatriotes parce qu’il parle de leur âme malade – ce en quoi on lui concède qu’il a « le droit » (sic) de parler ainsi en tant qu’artiste – et qu’il considère qu’ils sont atteints d’un aveuglement collectif. On lui rétorqua qu’il occultait ainsi les courageux Israéliens qui s’opposent au gouvernement et à la guerre à Gaza, ces Israéliens qui disent non.
Ces contradicteurs auraient été bien inspirés, avant de formuler leurs critiques, d’aller… au cinéma ! Ils auraient constaté que le protagoniste du précédent film de Nadav Lapid, Le Genou d’Ahed, est précisément un Israélien qui dit non, non jusqu’à plus soif, non jusqu’à l’insupportable. Et donc que le cinéaste n’ignore pas l’existence de ses compatriotes réfractaires aux massacres des Palestiniens, au point de les avoir mis au centre d’un de ses films, tout en montrant les limites de leur force d’opposition, limites aussi bien intimes qu’envers les instances de pouvoir.
Netanyahou et sa clique d’extrême droite sont-ils les seuls responsables ?
Par ailleurs, si Nadav Lapid a le courage d’affirmer un engagement civique et le fait avec beaucoup d’à-propos, il est aussi confronté à la difficulté de devoir tenir un discours alors qu’il a choisi l’art comme mode d’expression, c’est-à-dire un médium polysémique, faisant coexister des sentiments antinomiques impossibles à faire passer par le biais d’une parole publique par nature univoque. Oui montre avec une riche complexité l’aveuglement de tout un pays.
Sur le plateau de « C ce soir », la parole de Lapid paraissait évidemment plus sèche, plus abrupte. Il n’essentialise pas pour autant. Notamment en ayant recours à l’anecdote de tournage qu’il a racontée au cours de l’émission, il suggère l’existence d’une responsabilité collective. Une notion à manier toujours avec circonspection, mais en l’occurrence confortée par ce fameux sondage réalisé au printemps dernier et publié dans Haaretz, donnant le chiffre hallucinant de 82 % d’Israéliens se prononçant en faveur du « nettoyage ethnique de Gaza ».
Netanyahou et sa clique d’extrême droite sont évidemment les premiers responsables du génocide en cours. Mais sont-ils les seuls responsables ? N’ont-ils pas les mains ensanglantées toujours plus libres et sans limite grâce au consentement de leur peuple ?
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