Nadav Lapid : « Tout ce qui est filmable est captivant »
Dans Le Genou d’ahed, Nadav Lapid met en scène un cinéaste en révolte contre son pays, Israël. Il explique ici les liens intimes et politiques qui l’ont amené à réaliser ce film époustouflant.
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© Pyramide Films
À Cannes, où le film a remporté le prix du jury, ex aequo avec Memoria, d’Apichatpong Weerasethakul, Le Genou d’Ahed nous a emporté dans son mouvement rageur (lire Politis no 1662, du 15 juillet). Confirmation lors d’une seconde vision : le quatrième long métrage de Nadav Lapid est d’une puissance fascinante parce qu’il s’apparente à une machine de guerre cinématographique contre la politique et la société israéliennes. Ce qui apparaît sans doute davantage une fois la déflagration encaissée, c’est que ce jusqu’au-boutisme esthétique laisse aussi place, presque clandestinement, à la possibilité d’une respiration, d’une humanisation de son personnage principal, un cinéaste en révolte vitale contre son pays, qui ne porte qu’une lettre pour patronyme, Y. (remarquablement interprété par Avshalom Pollak), et dont la mère, la seule à le relier à une certaine douceur, est en train de mourir d’un cancer.
C’est que Le Genou d’Ahed ne tombe pas dans le piège qu’il dénonce : il n’est pas autoritaire – il laisse une place à son spectateur pour éprouver, penser par lui-même. Il n’est pas davantage univoque. Au contraire, Nadav Lapid y a tracé des contrepoints qui ne retirent rien à la charge de son propos mais permettent de l’élargir, de le rendre plus universel.
Comme le protagoniste de son précédent film, Synonymes (2019, Ours d’or à Berlin), Nadav Lapid, qui parle très bien français, est désormais installé à Paris. C’est là que nous avons rencontré ce cinéaste à l’œuvre singulière et passionnante.
Vous avez réalisé ce film très rapidement, dans un sentiment d’urgence. Pourquoi ?
Nadav Lapid : Pour deux raisons inséparables. L’une a été la mort de ma mère. Qui était aussi la monteuse de mes films. J’ai ressenti la nécessité de faire ce film quand sa mort était encore récente. Je savais que, sans elle, une couleur, une mélodie, serait définitivement perdue. Le film cherche à jouer cette mélodie devenue précaire, qui ne serait bientôt plus audible. J’étais pris dans ce drame personnel, qui résonnait sur un plan collectif.
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