Shein ou la quintessence du capitalisme

Le géant chinois de l’ultrafast fashion Shein incarne une forme poussée de capitalisme mondialisé où la maximisation du profit sacrifie les droits humains, la qualité et la justice sociale.

Jérôme Gleizes  • 17 novembre 2025
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Shein ou la quintessence du capitalisme
© Appshunter / Unsplash

Le capitalisme comme dynamique d’accumulation infinie n’a pour limite apparente que les ressources mobilisables par la production humaine. Pourtant, la logique d’expansion ne s’arrête jamais : face à l’épuisement des ressources terrestres, le regard se tourne aujourd’hui vers l’exploration minière des astéroïdes ou de la Lune – un horizon d’ores et déjà stratégique pour la Chine, tandis que l’Arctique et l’Antarctique concentrent les nouvelles convoitises économiques et géopolitiques. Parallèlement, le transhumanisme vise à optimiser la performance humaine, repoussant sans cesse les bornes du possible.

Shein réactualise le concept marxiste de la baisse tendancielle du taux de profit en jouant sur la baisse constante des prix de vente.

Ce capitalisme contemporain s’affranchit de toute limite morale dans sa quête du profit. L’entreprise chinoise Shein, devenue en quelques années le symbole de la fast fashion (1), incarne cette tendance avec acuité. Fondée en 2008 à Nankin par Chris Xu, Shein a révolutionné l’industrie du prêt-à-porter par des cadences de renouvellement inouïes et un usage massif du numérique. Production, consommation et gaspillage s’enchaînent à un rythme jamais vu. Aujourd’hui, ce détaillant de mode en ligne a élargi la vente à tout ce qui peut être produit, y compris des poupées sexuelles pédopornographiques et des armes de catégorie A.

Mode à consommer rapidement, peu chère.

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Shein réactualise le concept marxiste de la baisse tendancielle du taux de profit en jouant sur la baisse constante des prix de vente. Ses défenseurs, comme le macroniste Christophe Castaner, avancent souvent l’argument du pouvoir d’achat, dénonçant celles et ceux qui s’y opposent comme abandonnant les classes populaires. En réalité, cette stratégie libérale consiste à enfermer ces classes dans une consommation low cost et de faible qualité, dangereuse pour la santé, plutôt que de défendre une hausse des salaires permettant de choisir sa consommation.

Forme extrême

Pour maintenir des prix très bas, Shein exploite massivement ses ouvriers dans des méga-usines, utilise la production de prisonniers ouïghours, liquide ses invendus grâce à un marketing agressif, contourne les normes sanitaires, sociales et environnementales, et détourne les chaînes logistiques traditionnelles pour éviter taxes et impôts en sortant des statistiques du commerce international. Ainsi, Shein incarne une forme poussée de capitalisme mondialisé où la maximisation du profit sacrifie les droits humains, la qualité et la justice sociale.

Capitalismes chinois et états-unien savent s’entendre pour accélérer la destruction de la planète.

Le passage de la fast fashion à l’ultrafast fashion réside dans l’intégration verticale de la production avec une logistique numérique déployée à l’échelle mondiale, focalisée sur des cycles ultrarapides et un accès à une main-d’œuvre exploitée. Cette stratégie repose sur la compression des coûts, la flexibilité réglementaire et une concurrence exacerbée entre sous-traitants, générant des salaires dérisoires et des conditions de travail dégradées dans ses ateliers.

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Entreprise chinoise mais avec des capitaux américains, elle cache une partie de ses bénéfices dans des paradis fiscaux comme les îles Vierges britanniques (1). Capitalismes chinois et états-unien savent s’entendre pour accélérer la destruction de la planète, incarnant la forme extrême de la mondialisation capitaliste.

1

« Qui se cache derrière Shein, le géant chinois de la “fast-fashion” ? », Clarisse Dooh, Observatoire des multinationales, 3 juin 2025.

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