Budget : une mobilisation pour éviter l’austérité annoncée
À l’approche du vote final du PLFSS, près de 150 rassemblements ont eu lieu mardi à l’appel de la CGT, FSU et Solidaires. À Paris, le cortège était clairsemé, mais déterminé, dénonçant un budget austéritaire, la possibilité d’une adoption par ordonnances et une « année blanche » qui gèlerait les prestations sociales.

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Budget : Lecornu rêve de ne pas se prendre le mur Budget : le (très) décevant rapport sur l’imposition du patrimoineEnviron deux mois après sa présentation, la bataille pour le budget se poursuit. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2026 arrive en deuxième et dernière lecture à l’Assemblée nationale. Plusieurs organisations syndicales et associations entendent tout de même maintenir la pression. À l’initiative de la CGT, de Solidaires et de la FSU, près de 150 mobilisations ont été organisées ce mardi 2 décembre partout en France. À Paris, le rendez-vous est donné à 14 heures, place de la Bourse. Le cortège reste clairsemé en début d’après-midi, malgré les 50 000 participants revendiqués dans la matinée sur l’ensemble du territoire par la CGT. Une mobilisation aux allures de sprint tandis que le texte devrait atterrir dans les mains du Sénat le 15 décembre. Alors que la date limite est fixée au 23 décembre à minuit.
Dans la foule, un même constat revient : le budget 2026 est perçu comme un nouveau tournant austéritaire. « On se perd dans le budget, mais on voit quand même la suite de la politique de casse sociale », résume Samuel, enseignant. Le PLFSS, texte technique de plusieurs centaines de pages, entretient un certain flou, mais celui-ci ne semble pas freiner la détermination des participants. Pour Paul, en recherche d’emploi, ce flou n’a rien d’innocent : « le gouvernement joue la montre pour pouvoir appliquer sa version du budget ». Une procédure par ordonnances, prévue par la Constitution, permettrait en effet à l’exécutif de faire adopter le texte. Une éventualité pour appliquer le budget même en cas de désaccord entre l’Assemblée et le Sénat. Un « contournement passif » du Parlement, et une façon, pour l’exécutif, d’enjamber le débat démocratique en gardant les mains propres de l’utilisation d’un 49.3.
Des mesures qui inquiètent
Le monde de l’enseignement s’est également fait entendre. Paul, assistant d’éducation dans un établissement du 14e arrondissement, tient une banderole qu’il a conçue avec le collectif AED Paris. Un budget qui fait la part belle à la défense et abandonne l’éducation l’inquiète : « Il faut mettre un stop à la douce mélodie du bruit des bottes, il faut un effort pour la jeunesse qui est l’avenir du pays. » Il témoigne de conditions de travail dégradées pour les assistants d’éducation, les professeurs et les élèves avec « des salles de classe surchargées et des bahuts qui doivent fonctionner coûte que coûte ».
Il faut mettre un stop à la douce mélodie du bruit des bottes, il faut un effort pour la jeunesse qui est l’avenir du pays.
Paul, assistant d’éducation
Parmi les mesures les plus contestées, « l’année blanche », véritable point de crispation. Pour Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, ça équivaudrait à « une année noire pour les bénéficiaires de prestations sociales ». Cette disposition gèlerait l’ensemble des prestations sociales au niveau de 2025, sans revalorisation pour compenser l’inflation. Un mécanisme qui entraînerait une baisse de pouvoir d’achat déguisée pour les allocataires des prestations familiales, de l’allocation adulte handicapé ou encore des minima sociaux.
La réforme des retraites et la taxe Zucman encore dans les esprits
La suspension annoncée de la réforme des retraites ne parvient pas non plus à convaincre. Pour Josiane, retraitée, il s’agit avant tout de « politique-fiction ». Elle affirme qu’elle « ne voterait que pour les politiques ayant soutenu l’abrogation » et dit ne plus accorder aucun crédit aux effets d’annonce du gouvernement. Dans le reste du cortège, plusieurs manifestants expriment la même lassitude, persuadés que la réforme reviendra rapidement sous une autre forme.
Un autre absent est sur toutes les lèvres : la taxe Zucman. Cet impôt plancher de 2 % sur les très hauts patrimoines ne figure pas dans le projet de loi. Pour beaucoup de manifestants, cette mesure représente pourtant un symbole de justice fiscale. « J’ai l’impression qu’on nous laisse les miettes », souffle Paul, en recherche d’emploi, évoquant une taxe sur les holdings mise en avant par le gouvernement, mais jugée insuffisante. Dans le cortège, des pancartes réclament « d’aller chercher l’argent là où il est pour financer les politiques sociales ».
Les mobilisations ont permis de marquer des points décisifs dans la première mi-temps qui ont provoqué l’enterrement de la réforme de l’assurance chômage.
S. Binet
Sur le plan politique, les syndicats revendiquent déjà certains reculs du gouvernement. Sophie Binet, souligne que les mobilisations ont permis de « marquer des points décisifs dans la première mi-temps qui ont provoqué l’enterrement de la réforme de l’assurance chômage ». Cette réforme présentée cet été par l’ancienne équipe de François Bayrou prévoyait un durcissement des conditions d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Un recul toutefois conditionnel. Le ministre du Travail, Jean-Pierre Farandou a précisé que la réforme pourrait être réactivée si les partenaires sociaux ne parvenaient pas à un accord sur les contrats courts ou les ruptures conventionnelles. Pour beaucoup, la journée n’aura pas pesé lourd dans la balance budgétaire mais l’essentiel était ailleurs : rappeler que, même clairsemée, la rue peut prendre le relais dans la course au budget.
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