La guerre civilisationnelle de Trump

Dans un document « stratégique », le président américain se pose en chef de file planétaire de toutes les extrêmes droites.

Denis Sieffert  • 17 décembre 2025
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La guerre civilisationnelle de Trump
Une formation au leadership des bénévoles de l'équipe Trump au Grimes Community Center à Grimes, dans l'Iowa, le 1er juin 2023.
© ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Appelez ça comme vous voulez : inconséquence, je-m’en-foutisme, cynisme… Toujours est-il que  Donald Trump n’assure pas « le service après-vente ». Les cessez-le-feu qu’il se vante d’avoir imposés ne résistent pas à l’épreuve du réel. Ils durent le temps d’une vantardise criarde. Si les trêves sont éphémères, c’est que Trump se garde bien d’attaquer les causes profondes des conflits. Le bilan est donc désastreux. En Asie, les hostilités ont repris entre le Cambodge et la Thaïlande dès que le président américain eut tourné le dos. En Afrique, les rebelles du M-23, armés par le Rwanda, ont repris leur offensive sur le Kivu congolais alors que l’encre de l’accord de cessez-le-feu n’était pas encore sèche. Chaque fois, c’est au prix du malheur de populations condamnées à l’exode pour fuir les zones de combats. Le plus souvent, c’est pour Trump une affaire de métaux rares et de pétrole. Le grand entremetteur ne manque pas d’empocher sa commission, moins pour son pays que pour son gendre et lui-même.

Une fois Gaza anéantie, Trump a fait cesser les bombes, mais il se moque du sort d’un peuple errant dans les ruines.

La méthode de l’esbroufe est évidemment à l’œuvre au Proche-Orient. Une fois Gaza anéantie, Trump a fait cesser les bombes, mais il se moque du sort d’un peuple errant dans les ruines, et laisse l’armée israélienne tirer sur tout ce qui bouge. Près de 400 Gazaouis ont été tués depuis la trêve du 10 octobre. Et il n’a évidemment cure des pogroms auxquels se livrent les colons et l’armée en Cisjordanie, dont le nom n’est pas même mentionné dans le plan en vingt et un points, tant glorifié. Maisons incendiées, villageois roués de coups ou abattus parce qu’Arabes, tel est le lot quotidien des Palestiniens. De ce territoire, il est vrai, Trump n’attend rien. Il n’y a là ni pétrole ni métaux précieux. On laisse par conséquent agir à leur guise ces colons, frères en fanatisme des évangélistes états-uniens. Silence donc à la Maison Blanche. Mais que font les grandes capitales européennes ? Que dit Emmanuel Macron ? Que disent nos intellectuels et nos grandes consciences juives ?

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Et puis, il y a l’Ukraine. Là, même le cessez-le-feu paraît impossible. La technique Trump, qui consiste à appuyer le fort pour écraser le faible, est en échec. Poutine ne se satisfait pas des concessions territoriales que Trump veut imposer à l’Ukraine. Et Trump ne décolère pas contre Zelensky. Au sein même de notre gauche, les avis sont partagés. Il y a les optimistes qui croient que si l’on donne tout ou partie du Donbass à Poutine, celui-ci prendra ses gains territoriaux et économiques pour solde de tout compte. Ceux-là ont un argument de poids : l’Ukraine est de toute façon dans l’impossibilité de reconquérir militairement les territoires perdus. Autant l’admettre et faire cesser le bain de sang tout de suite. Et il y a les autres, pour le moins sceptiques, qui rappellent qu’en 2022 c’est vers Kyiv que se dirigeaient les chars russes, et que c’est toujours la tête de Zelensky que réclame Poutine, par le moyen d’élections tenues sous les bombes, ou au prix d’une victoire militaire même laborieuse et meurtrière.

En toile de fond, il y a la haine idéologique de l’Europe. Une haine que Poutine et Trump ont en partage.

L’appétit des empires ne vient-il pas en mangeant ? La vérité, c’est que l’affaire ukrainienne n’a pas seulement pour enjeu le rêve de puissance de Poutine, ni même l’appropriation de terres riches en métaux rares. L’objectif ici éclaire une ambition planétaire. En toile de fond, il y a la haine idéologique de l’Europe. Une haine que Poutine et Trump ont en partage, et que le document dit « de stratégie et de sécurité nationale » publié par la Maison Blanche le 4 décembre qualifie à juste titre de « civilisationnelle ».

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Car on aurait tort de penser que les objectifs du pouvoir trumpiste ne sont que mercantiles. Ils sont profondément et violemment idéologiques. Nous sommes en face d’un vaste projet d’extrême droite. Trump, Poutine, Netanyahou, les illibéraux hongrois, slovaques et autres mènent une offensive de grande envergure. On connaît leurs relais en France. Jordan Bardella n’a pas manqué de saluer le document de la Maison Blanche, lequel ne fait pas mystère de souhaiter la victoire en France, et en Europe, de partis « patriotes ». La guerre se mène également sans fard en Amérique latine. Ce qui se passe autour du Venezuela est d’une extrême gravité. On rechignerait volontiers à prendre le parti de Maduro, figure grotesque et sinistre du dictateur stalinien, si l’enjeu n’était pas là aussi le droit international. Quelle démocratie pourrait naître des coups de boutoir de Trump, lui qui rêve de remplacer un stalinien par un fasciste ?

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