Quand Mme Le Pen ment…

Michel Soudais  • 25 mars 2007
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Marine Le Pen s’est imposée depuis 2002 comme la principale porte parole du FN dans les médias. Invitée par toutes les télés et les radios, elle a contribué à donner du parti d’extrême droite un visage rajeuni et une image plus avenante. Elle était vendredi, l’invitée de Pluriel, le club de la presse de Radio Orient, émission qui reçoit des responsables politiques de tous bords. L’une des particularités de cette émission, à laquelle je participe fréquemment comme interviewer, est de laisser aux invités la possibilité d’exposer leurs idées, sans les interrompre de manière excessive. Ce qui n’exclut pas de leur porter la contradiction.

C’était la première fois qu’un responsable du FN était invité sur cette radio. Et comme depuis quelques mois maintenant, le mouvement de Jean-Marie Le Pen tente de séduire les électeurs issus de l’immigration, l’exercice n’était pas sans intérêt. Quel discours la fille du chef allait-elle tenir à des auditeurs de religion ou de culture musulmane? Tout au long de l’émission, l’ambassadrice de charme du FN fit patte de velours pour défendre les positions de son parti, sans rien lâcher sur l’essentiel, et notamment la nécessité d’instaurer une «préférence nationale». A plusieurs reprises, toutefois, son embarras l’a poussé à nier les faits que nous lui opposions. C’est ainsi qu’elle tenta de mettre en doute la véracité des propos de Louis Aliot, ici rapportés, qui estime que «le crime n’a pas été la colonisation mais la décolonisation» , avant d’en donner une interprétation fantaisiste, supposée plus acceptable.

Mais le summum de la dénégation est atteint quand, après avoir insisté sur l’attachement indéfectible du FN à la loi de 1905 sur la laïcité et son respect de la liberté de culte, Marine Le Pen prétend, en réponse à une question que je lui pose, que son parti n’est pas hostile à la construction de mosquées et n’a «jamais» manifesté en ce sens. Ecoutez ce mensonge…
Afin de rafraîchir la mémoire défaillante de Marine Le Pen , et informer les électeurs dont son parti convoite les suffrages, voici, à titre d’exemple, deux tracts du Front national.

Le premier proteste contre l’agrandissement et la modernisation de la mosquée Adda’wa, hébergée dans d’anciens entrepôts du XIXe arrondissement de Paris, voués à la démolition. En 1996, le Front national a organisé plusieurs manifestations de rue contre ce projet, notamment le 30 mai sur la place de l’Hôtel de ville.
Le second, tout aussi outrancier, est une pétition dirigée contre la construction d’une mosquée à Quimper, un lieu de culte qui a subi depuis de nombreux outrages.
Ces documents (je pourrais en fournir d’autres en nombre) témoignent-ils d’une époque révolue? Pas du tout. L’hostilité du FN à toute édification de mosquée n’a en rien varié.

A l’automne 2005, après les émeutes des banlieues , la Flamme des Deux-Sèvres , journal cette fédération départementale du FN, dresse une liste des solutions que le FN préconise. Parmi elles: «Prohiber les constructions de mosquée (sic) Même s’il n’y en avait qu’une seule, les frontistes la jugeraient intolérable.

Le 15 mai 2006, Robert Sennerich, secrétaire régional du FN de Franche-Comté, cité par le bulletin quotidien que le FN diffuse sur son site internet, rappelait son «opposition à la construction d’une mosquée à Belfort» , précisant que «la vocation des étrangers et de leurs enfants présents sur notre sol n’est pas d’y imposer leur religion, leurs coutumes mais de s’assimiler ou de repartir dans leur pays» .

Dans le bulletin quotidien du 6 octobre 2006, Guillaume Peltier, secrétaire général du MPF de Philippe de Villiers est critiqué pour s’être «prononcé contre le financement public des mosquées mais pas contre leur construction» . Le vicomte, son patron, reçoit aussi une admonestation pour n’avoir «engagé aucune action de terrain contre le projet d’érection d’un lieu de culte mahométan» à la Roche-Sur-Yon (Vendée), tandis que les militants du FN de Loire-Atlantique sont félicités pour mener une «vigoureuse campagne contre l’implantation de la mosquée Arrahma à Nantes».

Marine Le Pen a beau dire, les faits sont là.

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