Dites bien « gréco-turc »!

De l’art d’utiliser les éléments de langage sarkozystes.

Denis Sieffert  • 13 mars 2012
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J’étais lundi soir invité de l’émission «ça vous regarde» d’Arnaud Ardouin, sur LCP. Le sujet : l’après Villepinte. Toujours la même impression après ce genre de débats : une grande difficulté à faire entendre un discours sur le fond. Mais c’est possible. Brièvement. J’ai pendant une bonne minute et demie dire quelques mots sur l’usage du Je dans le discours sarkozyste et cette façon de toujours nous prendre à témoin de son aventure personnelle. J’ai pu surtout expliquer pourquoi la menace de sortir de Schengen était de la démagogie, et pourquoi il ne s’agissait pas de parler d’Europe, mais des «étrangers». Beaucoup plus laborieusement, j’ai effleuré le thème de la gouvernance selon Sarkozy, à coup de référendums et de mépris pour les syndicats, la justice et les contre-pouvoirs. Dommage. C’est quelque chose qui semble passer inaperçu dans tous les commentaires. Et c’est sans doute le plus inquiétant. Mais, bon, ce n’est pas mon propos ici, et j’y reviens dans mon édito. Ce que je trouve fascinant, c’est le comportement des porteurs de la parole sarkozyste. En l’occurrence, il y avait de l’autre côté de la table une certaine Valérie Rosso-Debord, qui porte un nom bien trop subversif pour elle. Ces petits soldats du sarkozysme n’ont que peu d’égards pour la rationalité des débats. Ils savent que ce n’est ni leur terrain, ni leur façon de communiquer. Pour Valérie Rosso-Debord, il s’agissait surtout de faire entendre deux mots : gréco-turc. La frontière gréco-turc. La frontière gréco-turque est une passoire. Combien de fois ne l’a-t-elle pas répété. Avec une diction — rendons-lui cet hommage — parfaite. Ce qu’on appelle des éléments de langage. Tout le reste, à ses yeux, était secondaire. Il ne s’agissait plus après cela que de brouiller le débat par de bruyantes vociférations. Alors n’oubliez pas : gréco-turc. C’est de là que vient le péril.

Temps de lecture : 2 minutes
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