Des risques maîtrisés, vraiment ?

Le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) a entreposé «par erreur» des déchets radioactifs à vie longue dans un site d’enfouissement inadapté. De quoi soulever quelques interrogations.

Christine Tréguier  • 7 novembre 2012
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Lorsqu’on la questionne sur ses sites d’enfouissement présents et futurs, l’Agence nationale pour la gestion des  déchets radioactifs (Andra) a coutume de dire : «   Tous les risques sont maîtrisés ou le seront. » À quelques exceptions près et pas des moindres. 

Le 23 octobre, l’Est éclair explique aux habitants de l’Aube que huit colis émanant du centre du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) de Valduc ont été entreposés entre 2007 et 2011 à Soulaines – site d’enfouissement réservé théoriquement aux déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA). Par erreur, explique le producteur de Valduc, car ces colis contiennent des détecteurs de fumée à chambre de ionisation à l’américium 241. Des déchets à vie longue (FA-VL) pour lesquels le site de stockage n’est pas encore construit. La faute aux Aubois qui se sont mobilisés, avec succès, contre une telle implantation. Ces détecteurs à l’américium 241 (traître malgré son joli nom), il y en a plusieurs millions, précise l’Andra, dans des bâtiments publics et privés (des années 1970), leur démontage nécessite des précautions et leur élimination doit se faire dans une filière dédiée. Mais revenons à nos colis suspects. 

[Encadre]Interrogée par l’Autorité de sécurité du nucléaire (ASN), l’Andra a dû convenir de la bourde : le stockage de tels composants est bien interdit en surface au CSA de Soulaines, confirme le communiqué de presse. Qui précise : « non pas du fait de leur activité, mais du fait de leurs petites dimensions et de leur aspect   » . Où va se nicher la dangerosité quand même ! Le CEA les avait déclarés comme déchets radioactifs « standards » et « les colis contenant ces objets avaient été contrôlés par l’Andra ; ils respectaient les limites radiologiques autorisées sur le CSA et ne présentent pas de risques pour l’homme et l’environnement  ». No problem alors ? Non, mais si, quand même un peu : «  Le seul risque , poursuit très sérieusement l’Andra, serait que, en cas d’intrusion après la période de surveillance du centre (300 ans), de tels objets puissent susciter la curiosité, être récupérés et présenter un risque pour la santé de l’individu» L’Andra ne maîtriserait donc pas tout… En attendant, elle a déclaré un événement de niveau 1 (sur 7), laissé les colis dormir dans leur lit de béton, et averti qu’elle ne prendrait plus rien en provenance de Valduc… pour le moment. 

La QV donne de « l’argent sale pour acheter les consciences des élus », uniquement.

Cet incident n’est pas le premier du genre. Il y a un an, le CEA a démantelé un vieux centre de recherches et amené au centre TFA de Morvilliers des bigbags remplis de terre contaminée, certains contenant des grenades non explosées de la guerre de 14. L’Est éclair était sur place et a fourni la preuve en images. Problème certains sacs avaient déjà été enfouis. Broutille, a dit l’Andra, « normalement, il n’y en a pas ici   » .

Beaucoup plus grave, en 2007, pas moins de 1 858 m3 de graphites imbibés de chlore 36 (durée de radioactivité 300 000 ans), issus du démantèlement par EDF de la centrale du Bugey, ont atterri à Soulaines. L’Andra a passé la patate chaude à l’ASN, qui a répondu aux antinukes locaux qu’on avait droit à 5 % de déchets très radioactifs. Allez, couchés !

L’Andra maîtrise tous les risques… sauf les erreurs humaines.

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