Quand Le Parisien fait la pub de Marine Le Pen

Trop de médias se font les porte-voix complaisants de la présidente du Front national, sous prétexte d’informer. Le quotidien du groupe Amaury nous fournit, ce matin, un bel exemple de cette pratique aussi irréfléchie que dangereuse.

Michel Soudais  • 2 octobre 2013
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Quand Le Parisien fait la pub de Marine Le Pen

Le titre de la page 6 du Parisien de ce jour est alléchant. L’intérêt qu’il peut légitimement susciter est accentué par le sous-titre (appelé «chapô» dans le jargon de notre métier).

Illustration - Quand Le Parisien fait la pub de Marine Le Pen

Le problème, c’est que cette information est rigoureusement fausse ! Que le Front national se dote d’une association pour draguer les profs n’a rien d’une nouveauté.
Si l’on veut bien troquer la mémoire de poisson rouge, dont se contentent désormais un peu trop de confrères, pour un moteur de recherche ordinaire, même le plus novice des rubriquards affectés à l’extrême droite y apprendra que les lepénistes ont déjà tenté de séduire les milieux enseignants, dans la seconde moitié des années 1990. Voici ce qu’on pouvait lire (ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres) dans les Échos du 19 juin 1996:

Le cercle de réflexion axé sur l’éducation a mué en un Mouvement pour l’enseignement national (MEN), qui a déposé ses statuts en décembre 1995. Olivier Pichon, son responsable, par ailleurs conseiller régional FN, parle d’un « noyau dur » de 1 200 personnes et affirme que son organisation – qui n’est pas encore un syndicat – a « une finalité politique qui veut faire avancer les idées nationales dans l’éducation ». Pour lui, le milieu enseignant est perméable aux idées du FN : « Les professeurs souffrent d’un manque de considération pour une certaine pratique du métier. »

Même si le chiffre avancé alors par M. Pichon était très grossi, j’atteste que son MEN, qui figurait parmi les satellites catégoriels du FN, comptait bien plus de membres que la « trentaine de professeurs du primaire au supérieur » que compte le Collectif Racine, selon le Parisien .

Je pose donc la question : chers confrères, ça vous arrive souvent de faire dans votre édition nationale des articles sur des associations qui ne comptent qu’une trentaine de membres ?
J’en connais qui seraient peut-être intéressées que vous leur consacriez un article comme celui que vous venez d’offrir au FN.

Ce n’est pas parce que le service de presse de Marine Le Pen vous a adressé hier en fin de matinée (à vous comme à moi et à des dizaines d’autres journalistes) un mail vous invitant au lancement de ce collectif, le 12 octobre, qu’il fallait sauter sur cette création comme des morts de faim, sans même attendre de voir combien de personnes assisteront à cette (petite) réunion.
À moins que vous ne vous soyez fixé comme objectif de remplir la salle de Marine Le Pen…
Un soupçon que, je l’avoue, je n’arrive pas exclure tout à fait.

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